La baie de Matavai

- Ils ont quitté la baie tous ensemble, mais à bord les hommes se sont disputés. Ils ont abandonné Bligh et dix-huit hommes sur une chaloupe. Un vrai mä'ohi ce Bligh, courageux, capable de naviguer aux étoiles, de se nourrir de poissons et d’oiseaux de mer ! Il a réussi à mener son embarcation sur une île habitée, très, très loin et à sauver la plupart de ses hommes de la faim, de la soif et du désespoir. Mais les autres … - Les autres sont revenus à Matavai. Ils ont retrouvé leurs amis, leurs compagnes. Ils ont offert des outils, des armes à feu. Le navire est reparti avec des femmes, mais des étrangers sont restés à terre parmi nous. Ils ont appris notre langue, ont adopté nos coutumes. Certains ont des enfants à la peau brune et aux cheveux blonds. - Des armes à feu qui tuent plus sûrement que les bâtons et les pierres. L’alcool qui rend ivre plus rapidement que les racines de ’ava . Les nôtres se battent en permanence maintenant. » Le jeune homme se tourne vers l’homme voûté qui reprend la parole. « Ces peretäne nous ont apporté beaucoup de choses nouvelles. Nous avons des outils de fer tellement plus efficaces que les herminettes. Il y a quelques années, Bligh est revenu avec des hommes sur un autre bateau. Une nouvelle fois, il s’est penché sur les plants de ’uru et en a fait charger beaucoup à bord de son navire. Puis il est parti. Il a dit qu’il reviendrait. - Et tous les hommes vigoureux lui ont construit un beau fare à l’extrémité de la pointe. Ils ont attendu, mais Bligh n’est jamais revenu. » Le vieil homme poursuit en silence sa réflexion. Les mä'ohi construisent ensemble les fare avec le bois, le nï'au et le pandanus. Ensemble, ils ajustent leurs pirogues avec des lianes souples. Puis ils se retrouvent pour pêcher et partagent ce qu’ils ont récolté. 10

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