La baie de Matavai

- Il n’y a plus de cannibalisme à Tahiti depuis un temps fort lointain. Mais les peretäne confondent avec les sacrifices humains. Cela les terrifie. C’est vrai que notre grand dieu 'Oro exige exceptionnellement l’offrande d’un homme. On offre des fruits, on sacrifie des cochons, un homme parfois. Mais il est tué auparavant, assommé par l’arrière et par surprise. Jamais un homme jeune et vigoureux. Ensuite seulement, il est offert sur le grand marae de 'Oro, par le grand-prêtre. C’est un rituel. Nous voulons seulement honorer notre dieu pour qu’il nous donne des récoltes abondantes, paix et prospérité. Les étrangers à la peau blême ne l’ont jamais compris. » Le jeune homme ralentit le pas pour offrir au vieil homme un instant de répit. Il rajuste le tapa entre ses cuisses. Elles sont brillantes de mono'i . Bientôt, il commencerait ses premiers tatouages. Il se soumettrait au petit peigne muni de dents de requins qu’un tahu'a manierait avec habileté et qui ferait de lui un homme plus viril et plus désirable. Le vieil homme regarde au loin vers la mer. Un grand navire est arrivé il y a quelques nuits. Celui-là serait-il comme les précédents, chargé de cadeaux et de dangers ? Pourquoi désor- mais d’étranges maladies se répandaient-elles dans les fare ? Pourquoi le souffle devenait-il si rauque, pourquoi la gorge faisait-elle si mal ? Pourquoi des nouveaux-nés mouraient-ils sans raison ? Ces étrangers s’étaient-ils alliés avec des dieux pour les faire mourir sur leur belle île de Tahiti ? 13

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