La baie de Matavai

L’adolescent remarque au loin un attroupement. Essayons de savoir ce qui se passe derrière les bosquets d’arbres, afin de raconter encore et encore les nouvelles extraordinaires de ceux qui viennent de si loin. Quand les hommes se rassemblent pour la pêche, pour tresser des cordages ou bâtir une case, on parle, on rit. Celui qui sait ce que les autres n’ont pas vu, n’ont pas entendu, gagne toujours en prestige. Les deux hommes se rapprochent de la pointe, entre la rivière et la mer. Ils se cachent dans les branches les plus basses d’un arbre à pain. Un spectacle insolite s’offre à eux. « Que font tous ces gens sur la plage ? - Des hommes habillés en noir. Et avec de longues robes… des femmes ! - C’est la première fois qu’on en voit ! Quelle peau blanche ! - Regarde, il y a aussi des enfants et même un bébé !... Ce sont des peretäne . - Oui, ils sont arrivés avec le grand bateau là-bas qu’ils appellent le Duff . Hier je me suis approché de l’un d’entre eux : il parlait des atua , mais ne donnait qu’un seul nom : Jehovah. Je n’en ai jamais entendu parler. A-t-on oublié un dieu parmi tous nos atua ? - Pourquoi ces habits sombres et ces longues robes ? - Ils disent qu’ils sont missionnaires. La guerre, le commerce ne les intéressent pas. Ils chantent, ils font de beaux discours, ils parlent des dieux. Il y a quelques jours le bateau a longé la côte ouest de notre île. On m’a raconté que le vieil Ha’amanemane, l’oncle de Pomare, était un des premiers à être monté à bord accompagnant un groupe de 'arioi . 15

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