La baie de Matavai

Deux hommes marchent calmement le long de la plage. L’un, grand et voûté, fatigué sans doute par une vie de labeur, l’autre svelte et souple, à peine sorti de l’enfance. Ce sable noir que leurs pieds déplacent à chaque pas, ils le connaissent bien. Il s’étale de la colline du Tahara’a à l’extrémité de la pointe de Tefauroa. Leur fare se trouve là derrière les arbres à pain et les cocotiers. Une rivière leur fournit l’eau vive qui descend de la montagne. Depuis toujours, ils y boivent, ils s’y baignent… Depuis toujours. Mais des événements incroyables se sont succédés ici de- puis tant de lunes. Est-ce parce que la baie offre une large ou- verture sur l’océan et qu’en ce lieu précis il n’y a pas de récif ? Que la houle dominante de l’est est ralentie par la pointe et que les embarcations y trouvent un meilleur abri contre la violence de l’océan ? Sans doute. Mais quelles pirogues redoutables ! Le vieil homme se souvient de tout. Il avait l’âge de son jeune compagnon quand « ils » sont arrivés, des hommes, si pâles, si sales, sur une immense pirogue sans balancier. Leurs chefs avaient le corps couvert d’étranges vêtements ajustés. Sur leur tête, de fascinants cheveux clairs qu’ils ôtaient quand ils avaient trop chaud. Certaines parties de ces vêtements brillaient encore plus au soleil que les plus belles nacres. Ces hommes voulaient de l’eau, ils voulaient des fruits. 3

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