La baie de Matavai

« Nos chefs leur ont offert nos femmes pour les honorer, en guise d’accueil. Et puis, sur ces étranges pirogues, il y a tellement d’objets extraordinaires qu’on ne connaît pas ici. Un don, un contre don, c’est ainsi que vit notre clan ! Nous étions de fiers guerriers. Et pourtant, la première fois, j’ai eu peur, j’ai eu très peur : un bruit de tonnerre, des éclairs de feu sor- taient de cette pirogue gigantesque… J’étais enfant. Je regardais au loin mon père parti avec d’autres sur de petites embarcations. Ils portaient des pousses de jeunes bananiers en guise de paix… C’était Uariti, Samuel Wallis, qui commandait le bateau. Au début, les chefs ne se sont pas compris. Le grand bateau est resté dans la baie de Matavai et des canots se sont dirigés vers le ri- vage. Ce peretäne Wallis avait des canons à bord et pour mon- trer sa puissance, il a demandé à ses hommes de faire feu sur les petites embarcations qui venaient vers lui. Un seul homme est mort, mon père. D’autres furent blessés. Les jours qui ont suivi furent plus calmes. Mais ces étrangers sont restés ici à peine plus d’une lune. Puis nous avons échangé nos coqs, nos cochons et nos fruits contre des clous, des vêtements, des outils, des miroirs…» L’adolescent se tourne vers lui : « Cela, je le vois ici depuis ma naissance. Mon père et ma mère m’ont parlé de Tute, James Cook. Il est arrivé deux saisons d’abondance après Wallis. Cook, ce peretäne , était un grand chef. Il était leur ami, leur taio . Tute était l’ami de tout le monde. Il est arrivé avec beaucoup de présents sur sa grande pirogue. Et puis, ce qu’il ne donnait pas, certains d’entre nous le prenaient : une tabatière, une lunette d’approche… Tute était très dur envers ceux qu’il appelait des voleurs, mais il était juste. 5

RkJQdWJsaXNoZXIy NzgwOTcw