TE MAU TAMARI’I NO PORINETIA I ROTO I TE TAMA’IRA’A LA RÉSISTANCE POLYNÉSIENNE DE 1940 À 1946 Dossier présenté par la classe de 1ère année BAC PRO Comptabilité du Lycée Professionnel de Faa’a récompensé au Concours national de la Résistance et de la Déportation 2010 Direction générale de l’éducation et des enseignements Ministère de l’Éducation Polynésie française © DGEE - MEA 2022 www.education.pf
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Valérie SEIBEL 4
5 Un na v i r e dan s l e s y e u x Se r e nda i t ma î t r e d u v e n t Te s y e u x é t a i e n t l e p a y s Qu e l ’ on r e t r o u v e e n un i n s t an t Pa t i e n t s t e s y e u x no u s a t t e nda i e n t Paul Eluard Extrait de lʼoeuvre Les Sept Poèmes dʼAmour, 1943
6 Avant l’annonce du thème du concours, en septembre dernier, j’avais annoncé aux élèves que cette année nous travaillerions sur le thème de la mémoire, avec pour objectif de retrouver le plus de descendants possible des 300 volontaires et de les interroger sur la transmission de l’histoire personnelle de chacun. Ce projet doit déboucher sur la création d’un calendrier 2011, en collaboration avec la professeure d’arts appliqués. Pour cette partie, nous en sommes encore à la phase d’exploration, les élèves ayant maintenant le temps de contacter l’ensemble des personnes que nous avons répertoriées. Participer au Concours National de la Résistance, compte tenu de son thème, est apparu comme une évidence. Nous nous sommes interrogés sur la façon de procéder, n’ayant aucune idée. Puis, là encore, le projet a pris corps. Nous avons fait le choix d’adopter une vision polynésienne pour plusieurs raisons : - le désir en tant qu’enseignante de placer les élèves en situation d’acteurs : ils allaient, le temps d’un sujet, devenir historiens ; ambitieux mais exaltant, - les lieux, la Polynésie, pour les élèves comme pour les enseignants, tout était à découvrir. Il nous semblait que la classe pouvait apporter un véritable éclairage au thème. Le thème a pris de l’ampleur, et a nécessité du temps, une année plus exactement. La Seconde Guerre mondiale en Polynésie a pris fin un jour de Mai 1946, jour tant attendu où les enfants partis en 1941 défendre la nation sont enfin rentrés au Fenua. C’est ainsi que la Polynésie est entrée en résistance. Les élèves ont effectué des recherches historiques aux Archives de Tipaerui à Papeete. Ils ont photographié des masses de documents, les ont triés puis organisés. Enfin, ils les ont recoupés, et se sont interrogés... Il fallait, à partir des documents d’archives, reconstituer l’impact de l’appel du Général de Gaulle en Polynésie. Comment donner du sens à des documents, pour certains difficilement exploitables car très abîmés ou flous (plusieurs carbones) et feuilles de papier si fines qu’elles sont transparentes et que le désir d’économiser le papier fait qu’elles sont utilisées en recto verso. Dans le même temps, nous avons recherché des témoins qui auraient pu nous raconter leur parcours. Nous avons rencontré deux anciens combattants du Bataillon du Pacifique : Henri Didelot et John Martin. Maxime Aubry, quartier-maître fusilier sur le Chevreuil, qui a raconté en tahitien l’ambiance sur le navire, ainsi que les combats marquants. Les élèves nous en ont traduit l’essentiel. Puis nous avons rencontré Marcel Bauer et Irénée Cordonnier qui chacun écrit une page de l’histoire. Ils nous ont reçus et nous ont donné ce que nous demandions, nous les en remercions vivement… L’étape suivante a consisté à compléter les interrogations que les Archives laissaient. Les élèves n’ont pas résolu toutes les énigmes, néanmoins, au terme de ce dossier, il est manifeste qu’ils se sont appropriés une page de leur histoire. L’échéance se rapprochant, le temps de la conclusion aussi, il a fallu interrompre les interviews, les nouvelles rencontres, en sachant que certaines mises au point ne seront pas effectuées, du moins pas pour ce projet. Nous adressons de grands remerciements à tous les interlocuteurs qui, très gentiment, se sont rendus disponibles pour répondre à nos questions. Le grand regret est de ne pas avoir davantage de temps pour approfondir tous les témoignages qui se présentent désormais à nous, après un temps de silence. Pour autant, le projet se poursuit sous une autre forme, plus littéraire cette fois-ci. Madame Sylvie CAU, professeure de Lettres-Histoire Géographie Présentation du dossier
7 Rencontre avec John Martin et Henri Didelot le 28 janvier 2010 au RIMAP-P Ont participé à l’élaboration de ce dossier : les élèves de 1ère année Baccalauréat Professionnel du Lycée professionnel de Faa’a Accompagnés dans la démarche, de Mme Sylvie CAU, professeure de Lettres-Histoire Géographie, mars 2010 et de Mme Valérie SEIBEL, professeure d’Arts appliqués CARBAYOL Erena CHEE AYEE Weena DROLLET Timeri FANAURA Esmeralda GOBRAIT Toanui JOHNSTON Laura MAI Purahui Nui MARAE Teraianu MATAITAI Moetu MAUI Thomas MOOROA Manuata RIARIA Diana SALOMON Reitere TAAE Hereatua TAURA Gabrielle TAURUA Déborah TEAURUA Stacy TEHEURA Ivana TEIHOARII Jason TETUA Raitua TIAIHAU Hereiti TUHIVA-FORD Sabrina VANAA Teretia
9 Présentation du dossier Sommaire 1 - La société polynésienne avant le ralliement 2 - Le 2 septembre 1940, le référendum 3 - La succession des gouverneurs 4 - Les difficiles relations entre les partisans de la France libre et de la France occupée 5 - Les combattants volontaires 6 - Le Bataillon du Pacifique 7 - Avant le départ 8 - Les combats du Bataillon des Guitaristes 9 - Les combattants des Forces Aériennes Françaises Libres de Polynésie française 10 - Le moral des Tahitiens durant le conflit 11 - La défense de Tahiti 12 - La communauté chinoise de Tahiti 13 - L’organisation économique de l’EFO 14 - La reconnaissance du Bataillon et son retour Sommaire P. 6 P. 9 P. 11 P. 13 P. 18 P. 24 P. 28 P. 32 P. 38 P. 44 P. 56 P. 60 P. 68 P. 71 P. 76 P. 83
Reitere Salmon 10
11 En ce temps, la Polynésie comptait environ 50 000 habitants pour cinq archipels. L’ensemble représente environ l’Europe. Et la moitié de la population est centrée dans les îles de la Société. Dans les années 1940, la vie en Polynésie était difficile, la population vivait simplement, de la pêche, de produits agricoles de base communs à tout le Pacifique. Ils étaient pauvres car l’argent ne circulait pas encore, mais malgré tout, ils étaient quand même heureux. En général, les familles possédaient un champ de maraîchage (fa’a’apu dans lequel ils cultivaient manioc, taro, igname). Ils aimaient ça, c’était une vie saine. Les parents étaient stricts et disaient pratiquement toujours NON. De nos jours, il est vraiment rare de voir des hommes cultiver ces produits, la tendance est au magasin ou au supermarché. À l’âge de huit ans, les enfants participaient déjà aux travaux, comme ramasser les cocos. Les Polynésiens avaient leur culture, leur façon de s'habiller, surtout les femmes. Ils aimaient se réunir en famille au moins une fois par semaine pour un grand festin, tout le monde participait. Ils préparaient ce festin en utilisant le four tahitien ahimä'a aujourd’hui le mä'a tahiti, ensuite ils prenaient les instruments de musique qu'ils avaient comme la guitare, le ukulélé, une poubelle qu'ils utilisaient pour faire de la basse, histoire de faire la bringue avec les femmes qui chantaient en même temps. Chez les Polynésiens, c’étaient les hommes qui travaillaient pour gagner de l'argent et les femmes restaient à la maison pour garder les enfants, pour les travaux ménagers et le repas. Les seules écoles qu'il y avait en ce temps-là étaient les écoles privées comme l'école protestante de Viénot ou l'école des Frères et d'autres mais c'étaient des écoles qui avaient un rapport avec l'Église. Les filles et les garçons n'étaient pas mélangés. Pour pouvoir communiquer, ils utilisaient la radio et le téléphone existait déjà dans ces années-là. Maxime Aubry se souvient de la manette qu’il fallait actionner chez lui pour obtenir la tonalité. 1 - LA SOCIÉTÉ POLYNÉSIENNE AVANT LE RALLIEMENT Monument aux Morts au centre de l’avenue Bruat en 1930 (421) Ville de Papeete Cl. An - Fds. Émile Martin - Coll. Commune de Papeete
12 Les moyens de transport étaient des plus simples, la marche, la bicyclette ou le cheval. Il y avait très peu de voiture. Pour se rendre d’une île à une autre, il y avait quelques goélettes dont la goélette Miti Aro. Il n’y avait pas d’heure fixe, parfois le capitaine arrêtait le bateau quand les marins voyaient beaucoup de poissons, alors ils pêchaient tous ensemble et distribuaient les poissons parmi ceux qui avaient participé à la pêche, ou qui passaient plus ou moins régulièrement... Les paquebots reliant Tahiti aux différents continents amarraient encore moins souvent, et c’était le prétexte à la fête. Durant la guerre, la Polynésie était administrée par un Gouvernement central composé d’un Gouverneur (désigné par l’État français), d’un conseil privé comprenant trois fonctionnaires, trois conseillers nommés par le ministre. Le Gouvernement central possède plusieurs pouvoirs et parmi ça il y a l’approbation du budget et des délibérations fiscales fixées officiellement par décret qui sont travaillés aussi par la Délégation économique et financière composée de 6 membres de droit dont 3 fonctionnaires et 7 membres élus au second degré représentant les collectivités et les établissements privés. L’administration a pour tâche de faire appliquer les décisions prises, ce qu’elle fait de façon stricte, particulièrement durant la période qui va suivre. Cette image, plus récente que la période étudiée, est la seule photographie de foule que nous ayons trouvée et que nous soyons autorisés à inclure. Marine nationale et la maison du commandant, en face du débarcadère, lors de l’arrivée d’un bateau dans les années 1950 (415) Ville de Papeete Cl. An - Fds. Alice Tautu Tixier épse Pugibet - Coll. Commune de Papeete
13 I – L’heure des choix L’ Éloignement de la France La Polynésie est loin de la France, c’est une tête d’épingle au milieu du Pacifique, elle est isolée et le sait. Du fait de son éloignement, la Polynésie est mal renseignée : la guerre n’a pas beaucoup de sens. Pourtant l’annonce de la défaite française est mal vécue. Il faut la défendre et pour cela, prendre les armes. 2 - LE 2 SEPTEMBRE 1940, LE RÉFÉRENDUM Polémique liée à l’attitude ambiguë du Gouverneur de Géry qui n’assume pas ses choix À Tahiti, le gouverneur Chastenet de Géry a une curieuse attitude. Il semble dans un premier temps faire preuve d’une grande détermination contre les dangers du nazisme et tente de montrer qu’il refuse tout autant l’attitude des pro- gaullistes. Le 10 août 1940 : c’est la formation d’un comité pro-pétainiste qui tient des discours racistes qui passent mal dans l’ÉFO. La population de Papeete attend du Gouverneur qu’il confirme par des actes les paroles qu’il a tenues dans un discours le 24 juin 1940. Ce discours est prononcé cinq jours après l’annonce par le Maréchal Pétain de cesser les combats. Chastenet de Géry y affirme sa volonté de poursuivre la lutte en parlant de «sacrifices nécessaires pour sauvegarder notre liberté». Cependant, il conclut par une phrase qui peut être interprétée diversement : «Nous devons attendre le déroulement des événements dans le calme et la dignité». On peut imaginer qu’il attend les premiers actes de rébellion, en fait, on comprend assez vite qu’il n’a pas la volonté de bouger. Plaque commémorative de la mairie de Papeete Cette plaque rend hommage à la détermination des membres du Comité de la France libre qui ont organisé le référendum ralliant la Polynésie alors Établissement Français d’Océanie. La citation est celle du Général de Gaulle, qui n’a cessé durant toute la période du conflit, de soutenir, par des encouragements répétés, les combattants tahitiens et l’ÉFO. Elle est apposée à l’entrée du nouveau bâtiment de la Mairie de Papeete et témoigne des jours animés qui ont précédé le référendum. Photo Sylvie CAU
14 D’après le discours du 5 septembre 1945 de M. Charon, président de la Ligue de la France Libre, à l’occasion du 2ème anniversaire du ralliement de la colonie au mouvement du général de Gaulle. Services des Archives de la Polynésie française TE ANA TAUROA Papeete 1940, Gouverneur Nouméa, signé de GERY - Document sans légende Services des Archives de la Polynésie française TE ANA TAUROA Le 22 juin 1940, c’est la capitulation. La France ne combat plus, c’est la défaite. De Géry annonce dans son discours à la population dans le bulletin de presse du 24 juin 1940, malgré les «informations les plus désordonnées et les plus contradictoires» pour savoir ce qui se passe en France, qu’il n’a décidé «ni à renoncer ni à abdiquer» et envisage la continuation de la lutte. Il appelle toute la population de la colonie à combattre pour sauvegarder la liberté de l’Océanie qui «veut rester terre française». À la signature de l’armistice, les militaires sont progressivement démobilisés. Le Gouverneur, malgré son discours de résistance, applique les lois pétainistes en démobilisant les soldats.
15 Lettre du Gouverneur de Géry au Consul daté du 3 septembre 1940 Services des Archives de la Polynésie française TE ANA TAUROA II – Le Référendum Le 31 août 1940, une délégation du Comité de la France libre se rend chez le Gouverneur et lui demande de s’engager. Chastenet de Géry refuse et lance comme un défi «Prouvez-moi que vous avez la population avec vous». Dans les 24 heures, Sénac organise à Papeete et Moorea un référendum qui a donc lieu le 1er septembre. Le capitaine Granger réunit la marine et recommande aux soldats de rester dans la légalité, c'est-àdire pro-pétainistes. À la mairie de Papeete, deux colonnes sont proposées aux habitants : Une colonne «De Gaulle» et une autre «Pétain» ... Il a été dit... de la farine ou la famine... 5 564 voix se prononcent en faveur du Général de Gaulle et 18 de Pétain. Dans l’archipel des Australes, le caporal Sanford possède une radio et a entendu l’appel au référendum. Il en organise un sur l’île de Rapa et sur 20 votants, 20 se prononcent en faveur du rattachement à la France libre. Le 2 septembre, le conseil retourne voir le Gouverneur qui ne croit pas au référendum et refuse encore de rallier la Polynésie à la France libre. Dans le même temps, De Curton rencontre le capitaine Félix Broche qui lui déclare qu’il n’interviendra pas si le ralliement se passe sans brutalité. Le comité retourne encore voir le Gouverneur, cette fois-ci accompagné par la population qui entoure les grilles du gouvernement. De Géry accepte alors de se démettre à condition qu’un document écrit soit rédigé. Toutefois, lorsqu’il écrit au Consul de Nouvelle- Zélande le même jour, il décrit une situation presque dramatique.
16 Conclusion : Un mois après avoir signé l’ordre de démobilisation, c’est au tour du Gouverneur de faire l’objet d’une mesure de rapatriement. D’autres chefs militaires ont pris parti pour Vichy. La plupart des pétainistes sont rentrés en France, ils ont été rapatriés. L’ancien Gouverneur de Géry est rapatrié avec sa famille, ainsi que Granger sur le Limerick qui les convoie en Métropole via Vancouver. Document sans légende Services des Archives de la Polynésie française TE ANA TAUROA
17 Les Gouverneurs par intérim, très soucieux de la légalité, se poseront chacun leur tour la question du salaire des fonctionnaires non ralliés et qui coûtent cher à la colonie, d’où l’intérêt de les renvoyer en Métropole. Ralliement Marquises : télégramme non daté, peutêtre courant septembre 1940. Ce texte est destiné à être diffusé à travers toute la Polynésie afin de faire savoir que l’archipel le plus éloigné ne reste pas isolé ni indifférent au sort de la France. La Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie, les Nouvelles-Hébrides (futur Vanuatu) se rallient assez vite à la France libre du Général de Gaulle. Seules Wallis et Futuna restent fidèles au Maréchal Pétain. Les motifs du ralliement de la grosse majorité des Français résidant dans ces territoires sont d’abord et avant tout, leur ardent patriotisme. Ce télégramme provenant du Consulat britannique et daté du 4 septembre montre la rapidité de la réaction des forces alliées. Dans cette période de flou, le destinataire n’est pas désigné, on peut alors imaginer qu’il est adressé à l’ensemble de la population. La résistance à travers le Pacifique va pouvoir s’organiser. La venue rapide d’un navire néo-zélandais est d’ailleurs prévue, avec à son bord un représentant du gouvernement afin de discuter de la question du ravitaillement de l’ÉFO maintenant libre. Suite à l’appel du Général de Gaulle, les jeunes n’avaient pas conscience de ce qui allait se passer, ils voulaient juste découvrir d’autres pays, différents de la Polynésie. Dans les colonies, la volonté de continuer à se battre n’était pas forcément pour soutenir le Général de Gaulle mais d’être aux côtés de la Grande-Bretagne. Alors que les «Popa’a» de l’île restent frileux et pétainistes, c’était leur désir de se montrer combatifs, l’esprit viril de ces anciens combattants. Certains habitants perçoivent la guerre comme l’occasion de s’émanciper de la tutelle métropolitaine. Document sans légende Services des Archives de la Polynésie française TE ANA TAUROA Document sans légende Services des Archives de la Polynésie française TE ANA TAUROA
18 Le 2 septembre 1940 Le Gouverneur de Géry est destitué... La communauté tahitienne ne souhaite pas que le gouverneur suivant soit un local (pour éviter les jalousies ou conflits divers), aussi elle souhaite élire un gouverneur provisoire, en attendant que le Général de Gaulle désigne quelqu’un d’extérieur. Les quatre membres du comité de la France libre se trouvent de fait en position d’assurer l’intérim. Publication au J.O. d’un décret montrant les signatures conjointes de M. Ahnne, en attendant que M. Mansard soit désigné. C’est le premier décret pris par les intérimaires. Il montre qu’ils sont soucieux de la transparence de la gestion financière de l’établissement. 3 - LA SUCCESSION DES GOUVERNEURS Petit rappel Le 17 mars 1937, Chastenet de Géry a été nommé Gouverneur durant quatre années. C’est le dernier gouverneur de la IIIe République. Il se ralliera au gouvernement vichyste, ce qui amènera la population à se révolter. 2 septembre 1940 Services des Archives de la Polynésie française TE ANA TAUROA Le docteur Émile De Curton, l’administrateur Marcel Sénac, le lieutenant de Vaisseau Jean Gilbert Le Mémorial Polynésien tome VI 1940-1961 HIBISCUS EDITIONS octobre 1977, p. 46
19 La séance est ouverte à 15 heures M. Ahnne : Je tiens à dire au Comité de Gaulle, de qui nous tenons nos pouvoirs, que depuis près d’une semaine que nous sommes ici tous les quatre, nous nous efforçons de faire de notre mieux pour assumer le gouvernement, tout provisoire. J’ai la satisfaction de dire que tout s’est passé mieux que nous ne pensions et que nous pensons à l’heure actuelle, après les pourparlers que nous avons eus soit avec les fonctionnaires, soit avec les militaires, que tout se terminera pour le mieux et pour le bien de la patrie. Mais il nous apparaît à cette heure qu’il est très difficile de continuer à procéder comme nous le faisons. Nous sommes quatre ici ; nous sommes réunis tous les jours, matin et soir, et nous n’arrivons pas à mettre toutes les affaires à jours. Il faut discuter, il faut examiner toutes les pièces et nous voudrions qu’il y ait une seule unité de gouvernement. Il nous est apparu qu’il vaudrait mieux, provisoirement, je dis «provisoirement» et jusqu’à ratification par le Général de Gaulle que vous choisissiez aujourd’hui, que vous nous indiquiez une personne qui, ici, puisse prendre véritablement le titre de Gouverneur provisoire. Nous en sentons la nécessité. C’est trop difficile de travailler comme nous travaillons en ce moment. Je dis «provisoirement» puisqu’après tout nous ne reconnaissons qu’au Général de Gaulle le droit de nommer un Gouverneur à Tahiti. Le 7 septembre 1940 Le Comité de la France libre se réunit pour choisir parmi ses membres, un Gouverneur provisoire. C’est difficile car personne ne veut l’être, ou bien d’autres s’opposent à la nomination de De Curton par exemple car il y a des conflits de personnes. La discussion se poursuit, les oppositions sont abordées et progressivement, l’unanimité semble se faire autour de M. Mansard. Mais celui-ci n’a pas envie. Il craint de prendre des décisions et avance des raisons qui sont vite anéanties : M. BAMBRIDGE et Dr DE CURTON Services des Archives de la Polynésie française TE ANA TAUROA
20 Après trois heures de libre discussion, la désignation de Mansard est adoptée à l’unanimité, à condition qu’elle soit validée par le Général De Gaulle. M. DAVIO Services des Archives de la Polynésie française TE ANA TAUROA M. MANSARD Services des Archives de la Polynésie française TE ANA TAUROA M. DAVIO Services des Archives de la Polynésie française TE ANA TAUROA M. MANSARD Services des Archives de la Polynésie française TE ANA TAUROA Le Gouverneur Mansard Le 14 septembre 1940, Mansard est nommé, par le Général de Gaulle, Gouverneur de Tahiti. Il occupe cette fonction peu de temps. Mansard et les gaullistes vont pouvoir travailler au rétablissement de l’économie de la colonie. Pendant cette période de guerre, Tahiti doit s’unir pour pouvoir subvenir à ses besoins, puisque l’Établissement sera mis à l’écart de tout contact commercial avec la France. Le nouveau Gouverneur Mansard est chargé d’en trouver les moyens grâce à de nouveaux débouchés commerciaux.
21 Coup de théâtre Le 18 septembre 1940, Mansard envoie un message à Émile de Curton, en lui disant qu’il voulait le voir avec une extrême urgence. Il lui raconte que la veille, il avait tenté avec le procureur Ardant, de monter une mise en scène avec l’appui du Comité Français d’Océanie (pétainiste) et le procureur Ardant. L’objectif était d’éviter l’expulsion de 2 hauts fonctionnaires pétainistes MM. Alain et Breulh qui doivent s’embarquer sur le Ville d’Amiens. Mais Mansard craint l’autorité de De Curton et lui raconte le projet. Un rapport de force s’instaure car Mansard a l’appui de l’armée, tandis que De Curton est soutenu par l’ensemble des membres du comité de la France libre et la population. L’affaire se conclut sans blesser personne, mais c’est la fin du Gouverneur Mansard qui se démet de ses fonctions dès le 30 septembre 1940. Officiellement, il se retire pour des raisons de santé. 16 septembre 1940 - SAUTOT Services des Archives de la Polynésie française TE ANA TAUROA
22 Le Gouverneur de Curton Après le Gouvernement Mansard, le 30 septembre 1940, Émile de Curton qui était médecin administrateur est nommé Gouverneur par De Gaulle le 6 octobre 1940. La responsabilité est grande : l’ambiance à Tahiti est tendue et ses opposants reprochent à Émile de Curton ses manières autoritaires. Il accepte la charge avec beaucoup de courage et de dignité. Le Gouverneur Brunot Le 16 juin 1941, Brunot a destitué le Gouverneur de Curton en montant la population de Papeete contre lui et en disant que De Curton complotait. Se servant des pouvoirs que lui avait délégués le Général de Gaulle, il se désigne Gouverneur. Le Gouverneur Brunot restera en poste trois mois, le temps que le Général de Gaulle réalise l’ampleur des dégâts commis par ce dernier. Il va envoyer un homme de confiance : le HautCommissaire de France, le capitaine de vaisseau d’Argenlieu qui aura pour tâche de restaurer le climat de confiance détruit par le bref passage du Gouverneur Brunot. Le 25 mars 1941, les Américains débarquent à Tahiti, une visite inattendue. De Curton rend visite à l’amiral Stone. Émile est convaincu qu’ils sont venus juste pour une reconnaissance du mouvement de la France libre en Océanie. En fait, il s’agit d’une manœuvre de reconnaissance des eaux du Pacifique et le gouvernement américain avait demandé l’autorisation d’accoster à la France de Vichy. Le Maréchal Pétain avait donné son feu vert, bien qu’il ne soit plus concerné puisqu’il n’avait plus d’ordres à donner à l’ÉFO qui avait choisi la France libre. Il pensait ainsi embarrasser le gouvernement provisoire. Mais cela ne marche pas comme il l’avait pensé et De Curton et l’amiral Stone deviennent des amis. Le peuple tahitien se demandait s’ils étaient des espions. Les anciens Gouverneurs provisoires comme Bambridge et Lagarde, se fâchent contre le nouveau Gouverneur. De Curton a aggravé son cas en s’intéressant aux phosphates, De Gaulle a été précipitamment informé à Londres que les ÉFO sont menacés par la gestion de dangereux révolutionnaires, et qu’il fallait immédiatement empêcher «l’administration de Tahiti de prendre un tour trop radical». 5 novembre 1940, SAUTOT Services des Archives de la Polynésie française TE ANA TAUROA Arrêté de désignation du Gouverneur Brunot, publié au Journal Officiel du 16 juin 1941 - Services des Archives de la Polynésie française TE ANA TAUROA
23 Le 1er octobre 1941, Orselli est nommé Gouverneur de Tahiti par le Capitaine d’Argenlieu. Du 1er octobre 1941 au 13 décembre 1945, Georges Orselli est responsable de la colonie. Durant 4 années, Orselli a remis dans l’ordre les affaires économiques et politiques de Tahiti. Orselli aimait la Polynésie, il faisait tout pour améliorer la vie de Tahiti. Il a acheté 3 goélettes : Maoae, Hotu et Terehau. Elles ont été le moyen de transport maritime essentiel pour aller ramasser le coprah dans les îles Tuamotu Est. Celui-ci était ensuite exporté aux États-Unis et au Mexique. Pendant toute la durée de la guerre Orselli a su préserver Tahiti. Le Gouverneur Orselli La fin d’une histoire, l’innocence du Gouverneur de Curton. Le Gouverneur de Curton a été accusé à tort par Richard Brunot, qui l’a jeté en prison. Il en sort à l’arrivée du futur Gouverneur Orselli, mais le mal est fait et ce dernier le répare. La commission d’enquête finit par restaurer l’honneur de De Curton. Il faut attendre le 5 septembre 1942 pour que l’avis soit publié au Journal Officiel. 5 septembre 1942, télégramme n°769 Services des Archives de la Polynésie française TE ANA TAUROA Le Gouverneur Orselli et les officiers américains - Coll. commune de Papeete Cl. ? - Coll. Commune de Papeete 1 octobre 1941 - Décret par délégation du Général de Gaulle Services des Archives de la Polynésie française TE ANA TAUROA
24 4 - LES DIFFICILES RELATIONS ENTRE LES PARTISANS DE LA FRANCE LIBRE ET DE LA FRANCE OCCUPÉE… Création d’un comité pétainiste... 66 personnes s’y reconnaissent : donc désaccords entre habitants de Tahiti. - Les fonctionnaires ont tendance à adhérer au discours pétainiste. - Certains pétainistes demandent à rentrer en métropole - Le problème des opposants : ils sont internés sur l’île de Maupiti (archipel de la Société), sur laquelle ils reconstituent un mode de fonctionnement royaliste. - D’autres sabotant chaque fois qu’ils le peuvent les actions de la France libre. Les archives de la commune de Papeete, ont gardé la trace de quelques oppositions rencontrées au quotidien. I – L’affaire Snow Le 15 janvier 1941, le maire de Papeete écrit une lettre adressée à M. le Gouverneur des É.F.O. Dans cette lettre, il est dit qu'il a reçu la veille, la visite de M. Snow. Celui-ci lui raconte la mésaventure, sans gravité, qui vient de lui arriver. Il s'est engagé comme volontaire pour la France libre et durant sa visite médicale, des analyses d'urine sont prescrites. Le pharmacien chez lequel il s’est présenté a refusé d’effectuer les analyses, en prétendant qu’il ne pouvait les faire puisqu’il était pétainiste. Nous n’avons pas trouvé de réponse mais nous pouvons imaginer que le Gouverneur de Curton n’aura pas apprécié la réponse du pharmacien et lui aura demandé des explications. L’histoire n’est pas grave, mais elle montre que dans certains milieux, la ville de Papeete est divisée entre la plupart des notables qui sont restés fidèles à la France de Vichy et la population qui a rallié massivement la France libre. 15 janvier 1941 Services des Archives de la Polynésie française TE ANA TAUROA
25 À la date du 8 avril 1941, le médecin capitaine Rosmorduc écrit une lettre au lieutenant Ravet au sujet d’incidents qu’il a rencontrés avec plusieurs soldats en quittant l’hôpital où il travaille et dans la base où il loge. Le docteur Rosmorduc raconte les faits, il se fait traiter de «salaup» par un engagé volontaire qu’il nomme d’ailleurs tirailleur. Son collègue Docteur Mille se fait insulter de «vieux con». Il est indigné et exige auprès de M. Ravet que ces hommes soient punis. 1er courrier Une question d’honneur, l’affaire Rosmorduc À la date du 16 février 1941, le gouverneur écrit le registre de communication au conseil général de France New-York, l'ambassadeur de France ÉtatsUnis afin de rapatrier ces fonctionnaires de cadres généraux pour des raisons politique ou professionnelle. Dans ce registre de communication, le Gouverneur demande de l'aide en souhaitant des arrangements de la part des autorités américaines et transférer par voie maritime USA : neuf fonctionnaires, six femmes et neuf enfants. Dans un télégramme daté du 16 février 1941, le Gouverneur se pose toujours la question du rapatriement des fonctionnaires non ralliés. 16 février1941 Services des Archives de la Polynésie française TE ANA TAUROA 8 avril 1941 Services des Archives de la Polynésie française TE ANA TAUROA
26 Le 11 avril 1941, le Gouverneur de la France libre envoie une lettre à M. Rosmorduc au sujet de la lettre du 9 avril 1941. M. Rosmorduc, après s’être plaint du soldat et après avoir reçu la réponse du lieutenant Ravet, estime que son honneur est définitivement atteint et que sa sécurité n’est plus garantie. Il demande donc à quitter son service. Le Gouverneur indique alors qu’il est sincèrement désolé des décisions de M. Rosmorduc en lui reconnaissant des qualités professionnelles. Puis, il déplore qu'un officier du corps de santé, un médecin, qui porte secours à des personnes gravement blessées ou des malades, se laisse influencer par des motifs qui n’en valent pas la peine. Le 9 avril 1941, le lieutenant Ravet, chargé entre autres de la formation du bataillon des engagés volontaires, rédige une réponse adressée au médecin capitaine Rosmorduc au sujet de sa lettre du 8 avril 1941 concernant l’incident de la veille. Il est dit qu’il regrette que des soldats se soient permis de les insulter, mais qu’il ne pourra pas sanctionner des volontaires sur le départ. Mais en plus, le lieutenant Ravet prend la défense des soldats en ajoutant une insulte supplémentaire car Monsieur Rosmorduc se fait traiter de «lâche». 2e courrier 9 avril 1941 Services des Archives de la Polynésie française TE ANA TAUROA 11 avril1941 Services des Archives de la Polynésie française TE ANA TAUROA
27 À la date du 1er août 1942, le colonel Georges Orselli répond par courrier au Président du comité de la France libre. Les relations entre opposants et partisans à la France libre ont évolué. Les opposants ne sont plus en mesure de porter atteinte à la colonie car le fait de prononcer des paroles «subversives» peut-être considéré comme un délit. Le Gouverneur Orselli assure qu’il va lancer une enquête. Il averti aussi le maire de Punaauia. Évolution des relations entre les opposants et partisans Pour le Gouverneur, il s’agit d’une nouvelle source possible de conflit car le médecin restera sans travailler à la charge de la communauté, tout en rapportant des paroles risquant de nuire à la sécurité de l’île, c’est pourquoi il écrit au Gouverneur général, M. Sautot basé à Nouméa et lui demande conseil. Celui-ci est encore plus radical que M. De Curton, car il explique dans un télégramme daté du 7 avril 1941, que lui-même a chassé les fonctionnaires non ralliés en leur supprimant tout salaire. De fait, il règle la question des opposants. Le soutien involontaire du gouvernement de Vichy : Le 25 mars 1941, une escadre américaine composée de deux croiseurs et quatre contre torpilleurs débarque pour trois jours dans le port de Papeete. L’amiral Lehari n’a pas fait attention et a demandé l’autorisation de faire escale au gouvernement de Vichy. Celui-ci accepte, alors qu’il n’a aucun pouvoir car Papeete n’est plus sous son autorité, car il espère poser problème au Gouverneur de Curton. C’est en fait l’inverse qui se produit car cela permet à l’ÉFO libre de «sympathiser» avec l’armée américaine, avant que celle-ci entre en guerre. La population de Papeete va se lier d’amitié avec les 3 500 marins. Télégramme n° 162 du 7 avril 1941, collé sur le registre des communications secrètes et codées - Services des Archives de la Polynésie française TE ANA TAUROA 1 août 1942 ORSELLI - Services des Archives de la Polynésie française TE ANA TAUROA
28 Une des premières volontés du gouvernement provisoire : affirmer sa présence parmi les combattants. Le Gouverneur de Vichy n’a pas encore embarqué pour la métropole que déjà les quatre membres du Comité de la France libre assurant l’intérim du gouvernement, lancent un appel à la population pour recruter les volontaires. Ce n’est pas officiel, mais c’est sans doute une manière de rassurer toute la population anéantie par l’abandon de Vichy. La constitution d’un corps expéditionnaire polynésien est une action prioritaire de ce gouvernement de résistance. 5 - LES COMBATTANTS VOLONTAIRES Le 1er juillet 1940, le Général de Gaulle confie à l’amiral Muselier la tâche ardue de créer et de rendre opérationnelles les Forces Navales Françaises Libres. Assisté par le commandement Thierry d’Argenlieu, l’amiral Muselier forme un état-major restreint, qu’il installe à Westminster House. Légende de François BROCHE : « Le Capitaine Félix BROCHE (au centre, assis 2ème rang, lunettes noires) le jour de la démobilisation partielle de la Compagnie autonome d’Infanterie de Tahiti, le 10 août 1940. » Collection François BROCHE L’avis à la population : Avis à la population Services des Archives de la Polynésie française TE ANA TAUROA
29 Le 22 juin 1940, lors de la capitulation française, le capitaine de corvette Granger en poste à Fare Ute (Papeete) prononce un discours dans lequel il incite les marins à rester mobilisés pour continuer le combat. Mais l’armée anglaise en juillet 1940 brûle la flotte française basée à Mers el Kebir, plutôt que de la voir saisie par les forces nazies. 1 297 marins français sont tués durant ces bombardements. Le capitaine Granger, même s’il n’accepte pas la capitulation, refuse désormais de combattre aux côtés des Anglais. Il se range au choix du Gouverneur de Géry et partira également le 14 septembre 1940 sur le Limerick... Avec eux s’embarqueront 14 marins dont 10 s’engageront dans l’armée canadienne. Ils seront jugés à Aix-en-Provence pour désertion et il faudra attendre le 30 mars 1949 pour que le jugement soit annulé à Saïgon. Le commandant Gilbert, après le départ du capitaine Granger, prend le commandement de la base navale de Fare Ute. Il dirige une escadrille d’avions dans la marine : les marins aviateurs. Arrivé en Polynésie en 1935 sur l’Aviso, il se marie avec la fille d’Émile Martin. Aussi, il sera doublement engagé aux côtés des membres du comité de la France libre. Lorsque l’ensemble des marins seront partis, il ne restera plus à Papeete que 7 marins dont le rôle sera d’entretenir la seule flotte aéromaritime de 3 avions. Certains volontaires ont rejoint l’Angleterre par leurs propres moyens, ils n’ont pas été nombreux mais cela montre la terrible détermination qui pouvait planer en Polynésie. 14 janvier 1941: Un contingent de 65 officiers mariniers et marins, composé essentiellement de la relève du Dumont d’Urville, restée à quai, part rejoindre Liverpool via la Nouvelle-Zélande et l’Australie. Ils sont intégrés en complément d’équipage à trois corvettes, un contre torpilleur le Léopard et un sousmarin le Surcouf, qui sera accidentellement coulé le 19 février 1941 par l’armée américaine avec notamment à son bord trois marins polynésiens. Équipage du Chevreuil, 1941 - Collection Maxime AUBRY
30 La mise en place des différents contingents de volontaires : Le 19 février 1941, un télégramme secret (codé) est adressé à la Nouvelle-Zélande par Monsieur de Curton, Gouverneur de Papeete, il informe quelles sont les formations qui vont partir. Il souhaite organiser avec la Nouvelle-Zélande leur voyage. Parmi ces personnes, un petit groupe de fonctionnaires est resté fidèle au gouvernement de Vichy. Le problème est qu'ils ne travaillent pas mais perçoivent un salaire, ce qui pose problème à l’ÉFO dont les revenus sont au plus bas. De Curton n'est pas d'accord : il souhaite les rapatrier le plus vite possible vers Paris. Monsieur le Représentant de la Nouvelle-Zélande Services des Archives de la Polynésie française TE ANA TAUROA
31 Le 31 mars 1941 : Le commandant Jean Gilbert forme un contingent composé de : 22 marins aviateurs dont 12 Tahitiens et 10 Métropolitains, 22 volontaires polynésiens rejoignent les Forces Aériennes Françaises Libres. Ils parviennent en Angleterre le 19 juin 1941, sur les 22 volontaires, 10 ne seront pas sélectionnés. Parmi d’autres, Messieurs LAGARDE, JUVENTIN, MACHECOURT, KAINUKU, GOURNAC, MARA, VARNEY faisaient partie du groupe des Polynésiens, élèves du personnel navigant. Le courrier a été annoté, il reste à trouver des navires et tant que les dates ne seront pas certaines, ce document restera sur le bureau du Gouverneur, corrigé au fur et à mesure des informations. Les volontaires ont attendu un bon moment avant de partir pour la guerre : sur le document, la date prévue est le 28 mars ; ils sont partis en réalité le 21 avril 1941. Cahier du courrier codé - Le 28 février 1941 : Le Général de Gaulle fait savoir à toute la France libre que l’armée de libération a besoin de mécaniciens. Le télégramme parvient jusqu’en Polynésie. Des Polynésiens répondront à son appel. 28 février 1941, Courrier codé Services des Archives de la Polynésie française TE ANA TAUROA
32 Félix Broche, commandant supérieur des troupes du PACIFIQUE à Papeete, il attendait les volontaires tahitiens dès l’appel du Général de Gaulle. Londres, le 18 juin 1940, le Général de Gaulle depuis la radio BBC lance un appel à tous. Il incite tous les volontaires, militaires ou civils, à continuer le combat. Il a été entendu jusqu’en Polynésie française et en Océanie. Le gouvernement provisoire de Papeete, avant même la désignation de Mansard, adresse un avis à la population dans lequel il annonce son intention de constituer un corps de volontaires pour aller combattre aux côtés des Alliés. Le document est signé mais pas daté. L’attente du capitaine Félix Broche : Dès le 1er août 1940, alors que Tahiti n’est pas encore ralliée à la France libre. Le recrutement des «Tamari’i volontaires» «Et également qu'il y avait des volontaires. Ils m'ont envoyé la goélette Tamara (de Papeete) et j'ai pris quelques volontaires aux Gambier et par la suite aux Tuamotu lors de notre passage dans les autres îles. Il y avait tant de volontaires que bientôt il n'y avait plus de place sur le navire.» Francis Sanford. Parmi les volontaires, il a fallu écarter les chefs de famille, les hommes déjà âgés et les infirmes. Il en est resté encore trop qui ont espéré partir avec le deuxième contingent, qui n’a jamais existé. Maxime Aubry raconte qu’au moment du départ du bataillon, les soldats restés à quai faisaient la tête, pendant que ceux qui s’embarquaient se moquaient d’eux... Le 27 septembre 1940, «Le ralliement des É.F.O. à la cause du Général de Gaulle a pour but essentiel, en plus de la défense propre de la Colonie, la participation des É.F.O. aux opérations militaires destinées à libérer la France envahie. Dans ce but, un corps expéditionnaire français du Pacifique sera formé pour aller combattre, aux côtés de nos Alliés britanniques, les ennemis de notre Pays. Unités françaises, commandées et encadrées par des Français servant sous pavillon français, les détachements du corps expéditionnaire ne seront composés que des seuls volontaires français de la métropole et des É.F.O., Tahitiens citoyens et sujets français, quels que soient le grade et le degré d’instruction militaire. L’effectif de la C.A.I.C.T. (Compagnie Autonome d’Infanterie Coloniale de Tahiti) étant actuellement au complet, des ordres d’appel seront ultérieurement adressés aux volontaires.» L’appel du capitaine Félix Broche, lancé à la radio. Deux semaines après le ralliement. C’est un appel officiel, qui suit l’avis à la population. 6 - LE BATAILLON DU PACIFIQUE Illustration de l’élève Teraianu Marae L’appel du Général de Gaulle
33 Lettre de F. Sanford, rendant compte du recrutement effectué 25 février 1941 Services des Archives de la Polynésie française TE ANA TAUROA
34 Discours prononcé par le Gouverneur Émile de Curton le 21 avril 1941 au moment de l’embarquement du bataillon : Dans ce discours, le Gouverneur rappelle les conditions dans lesquelles le recrutement a été effectué. Les volontaires ont du parcourir parfois plusieurs milliers de kilomètres pour rallier Papeete (en venant des Gambier). Ils étaient environ 1 000 Polynésiens à répondre à l’appel du Général de Gaulle mais l’ÉFO libre ne pouvait les envoyer tous. Donc 300 volontaires polynésiens ont pu être acceptés selon leur situation familiale, mais au moins cela prouve que la Polynésie a eu la volonté de défendre sa nation. De CURTON, 21 avril 1941 Services des Archives de la Polynésie française TE ANA TAUROA
35 Les volontaires retenus… Parmi eux le docteur Rollin : Très vite (avant le départ du 1er contingent), il apparaît que le deuxième contingent, pas encore formé, ne partira pas. L’ÉFO libre ne doit pas rester sans défense. Il faut aussi protéger les exportations de phosphates de Makatea et ne pas laisser Tahiti sans défense même si celle-ci est insuffisante (pauvre en armement). Beaucoup de Tahitiens espérant partir combattre vont rester à quai, très déçus. Haut-Commissaire Nouméa, 10 mars 1941 Services des Archives de la Polynésie française TE ANA TAUROA
36 À la fin de l’année 1940, en attendant de s’embarquer sur le Monovai, John Martin était soldat 2ème classe à la caserne Bruat. Il se souvient des conditions dans lesquelles certains chants ont été rédigés. Il apporte ainsi un témoignage émouvant. «À la fin de l’année 1940, j’étais soldat de 2e classe “volontaire” à la caserne Bruat. J’ai été affecté à la “batterie” qui se trouvait au mont Fai’ere, au-dessus du sémaphore, dominant la ville de Papeete (la seule terrestre à l’époque) composée de deux canons de marine de 65 mm, [...] entourée de logements en bambou tressé et ni’au, avec une soute à munitions creusée sous la montagne... En 1940, nous avons rajouté à cette “batterie” un canon... Parmi les gradés, il y avait le caporal-chef Pea Tutehau, devenu plus tard adjudant-chef, mélomane à ses heures. Il a ainsi composé au fil de nos heures de détente, le chant que vous citez, dédié aux tamari’i no te “batterie”. C’est plus tard que ce chant a été celui de tout le Bataillon du Pacifique, en remplaçant simplement tamari’i no te “batterie” par tamari’i “volontaires”. La preuve de ce que j’avance se trouve dans la 7e et la 8e ligne des paroles (je rectifie l’ortographe !) : Tei ni’a roa ia tona taura’a Te vahi no te hupe Traduction : Ils sont perchés tout là-haut Là où souffle le vent du soir en référence au mont Fai’ere où était installée la “batterie”.» Avril 1939, les premiers volontaires : Cl. Sylvain - Fds. Robert HERVÉ - Coll. Commune de Papeete
37 Ce témoignage sur l'origine du chant du Bataillon du Pacifique fut recueilli par le Major (h) André Bailles, Vice Président délégué Acoram Acomar, Secrétaire de l'Amicale des Anciens du Bataillon du Pacifique auprès de Monsieur John Martin. Matou teie tamari’i no te «batterie» O ta oe i titau a’e nei Te fari’i nei matou i te ture No to tatou Hau Metua Teie mai nei to mau tamari’i O ta oe i titau a’e nei Tei ni’a roa ia tona taura’a Te vahi no te hupe Nous sommes les enfants de la «batterie» Que tu as appelés Nous obéissons à la loi De notre Mère Patrie Nous voici tes enfants Que tu as appelés Ils sont perchés tout là-haut Là où souffle le vent du soir. Extrait de chanson de régiment Illustration de l’élève Raitua TETUA
38 7 - AVANT LE DÉPART L’attente Le contingent est formé depuis un certain temps, il est doté d’uniformes cousus à Papeete grâce à une cotisation de la population. Il n’y a pas d’équipement militaire véritable, mais les soldats sont prêts à s’embarquer. Ils doivent attendre plusieurs semaines un navire … Le document est une lettre secrète, donc codée, faite à Papeete le 28 mars 1941 par Patrick le représentant du Gouvernement de la Nouvelle-Zélande. Il parle du contingent des volontaires. Il n’y a pas de date de départ, le navire est difficile à trouver mais il ne faut surtout pas que les volontaires se démobilisent. Ils partiront le 21 avril. Secret, 28 mars 1941 Services des Archives de la Polynésie française TE ANA TAUROA
Le grand départ des 300 volontaires tahitiens Illustration de l’élève Hereatua TAAE
40 Plan du défilé, 20 avril 1941 Services des Archives de la Polynésie française TE ANA TAUROA Le bataillon est formé depuis un an et il attend. Préparatifs du départ : Ce document est le plan du défilé qui doit avoir lieu le jour du départ. Il montre très précisément l’organisation prévue. Il a été établi le 20 avril 1941 à Papeete, par le commandant d’armes Ravet, qui a formé le bataillon après le départ de F. Broche pour Nouméa. Toute la population est invitée à venir saluer le départ. Plusieurs copies, sept, sont adressées à plusieurs services. Les enfants des écoles sont placés aux côtés des soldats. Un orchestre est prévu afin de donner un caractère solennel au départ des trois cents. Cet hommage, particulièrement joyeux, permet de réconforter, le temps d’un jour, l’ensemble de la population. Certains fonctionnaires refuseront d’y assister : nous avons trouvé dans les archives des lettres de re-
41 Le programme du départ (les horaires) du premier contingent des volontaires du corps expéditionnaire océanien de la France libre. Il a été établi le 15 avril 1941 à Papeete, par le capitaine Ravet commandant d’armes, c'est-à-dire une semaine avant le départ du navire le Monowaï. L’accompagnement au navire va durer 4 heures. L’émotion sera très forte. Départ des volontaires, 15 avril 1941 Services des Archives de la Polynésie française TE ANA TAUROA
42 Après les remises de couronnes par les chefs de districts, les 300 Tahitiens embarquent sur le bateau nommé le Monowaï, commandé par le commandant Broche à destination de la Nouvelle-Calédonie (Nouméa) et des Nouvelles-Hébrides puis de l'Australie. John Martin raconte que sa mère lui avait donné une lettre qu’il ne devait ouvrir que lorsque le navire serait parti. Il lui a obéi, finalement il a bien fait car il a été tellement ému qu’il a eu envie de sauter à l’eau pour renoncer à partir. Mais c’était trop tard car déjà le navire était sorti du lagon. LES JEUNES COMBATTANTS Le plus jeune avait 15 ans : pour être sûr de partir, il a pris la place de son frère qui au dernier moment avait renoncé… Sa situation sera régularisée par la suite et il restera dans le bataillon. Les jeunes volontaires réalisent qu’ils partent et comme John Martin, un bon nombre regrette presque leur départ. Mais ils se connaissent tous, certains sont frères, cousins, ils ont des guitares et une envie de découvrir le monde. Le Docteur Rollin (par la voix de sa fille) raconte que durant les différents trajets, les jeunes soldats, ont pensé «à faire la bringue». Comme il était beaucoup plus âgé qu’eux, il a été considéré comme un père et il a veillé sur eux, n’hésitant pas à réclamer en Australie des braseros et couvertures pour qu’ils n’attrapent pas froid. Iaorana oe Tahiti Tous nos amis sont partis Comme des fleurs Fleuries et très belles Bonjour Tahiti Bonjour le pays Restez sur le pays Et nous nous partons Aider nos prochains Bonjour Tahiti Restez sur le pays Nous partons Nous respectons la loi du pays Nous partons Aider la France. Extrait de chanson de régiment
43 Le Gouverneur de Curton fait passer par le Haut-Commissaire de Nouméa deux courriers de remerciements adressés, un au Premier ministre de Nouvelle-Zélande et le second au Gouverneur de Fidji. Plusieurs courriers de remerciements seront adressés permettant de garder le contact avec l’ensemble des alliés du Pacifique. Après plusieurs jours d'entraînement à Sydney, la cohésion se forme grâce à un chef d'exception, le bataillon est prêt à rejoindre les Forces Françaises Libres. Les Calédoniens et Polynésiens embarquent à bord du Queen Elisabeth en direction de la Syrie afin de s'adapter et s'entraîner quelques mois avant que ne débute la campagne d'Afrique. Courrier 696 Télégramme n° 178 Ce document a été rédigé à Papeete, par De Curton, le Gouverneur, destiné au Haut- Commissaire à Nouméa, dès le lendemain du départ. Il l’informe du départ du bataillon et lui dit que cela s’est bien passé. Télégramme n°178, 22 avril 1941 Services des Archives de la Polynésie française TE ANA TAUROA Télégramme n°696c, De CURTON - 5 mai 1941 Services des Archives de la Polynésie française TE ANA TAUROA
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