Le chapeau de l'île pirogue

7 Car des histoires, il en a plein son panier pae’ore : « C’était il y a bien longtemps, avant les grands changements quand il n’y avait que nous, le ciel, l’océan, la terre et nos dieux. C’était l’âge de mes premiers tatouages, celui de l’insouciance, point de responsabilités, on ne s’occupait que de notre apparence physique et de la poursuite de nos plaisirs. Ainsi, comme tout taure’are’a, après la pêche ou les activités d’entretien du fa’a’apu, on pouvait se retrouver avec mes cousins pour fabriquer des cerfs-volants, préparer des combats de coqs ou se défier sur la plage à la lutte. Mais dès qu’il y avait de la houle, ce que l’on aimait le plus faire, c’était glisser sur les vagues avec nos pirogues. C’est à cette époque que j’ai « gagné » mon chapeau de popa’ä . On était en période de disette, le vent frais du sud, le mara’amu, empêchait les nuages de nous dispenser l’eau source de vie et le poisson se faisait plus rare. Nous étions alors moins accaparés par les travaux domestiques. Ce jour-là, une belle houle s’était formée dans la nuit et le récif immaculé grondait au loin ; les vagues étaient parfaites. On était là à épier la première vague, une belle lame qui nous ferait glisser jusqu’à la plage, mais pour ce faire, il fallait ramer jusqu’à sentir le mouvement de glisse. Mon cousin Matahi qui était à l’avant de l’embarcation criait de joie en levant les bras vers le ciel, quand soudain, il m’interpella en me montrant du doigt l’horizon. Au large, là où il n’y avait jamais rien eu que la ligne de sépara- tion entre la mer et le ciel, on distinguait désormais une île. Une nouvelle île qui paraissait en mouvement, une île flottante.

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