MAUX contre MOTS
111 concentrée. « Je vais faire les courses et ton père va travailler, ne fais pas de bêtises. Je reviens dans une heure. » Mon père ! Je devais l’empêcher de partir et vite, sinon j’aurais échoué à mon premier essai. Après un court instant de réflexion, je décidai que, s’il était mort dans un accident de voiture, il me suffisait de crever ses pneus pour l’empêcher de partir. En plus, il n’aurait pas les moyens d’en payer de nouveaux. Je m’emparai alors du plus gros couteau que nous possédions et j’entrepris de faire de grosses entailles à chacun des pneus. Une heure plus tard, mon père était à la maison, après avoir fait le tour du quartier, en hurlant qu’il trouverait le coupable. Il était stressé car il avait une demi-heure de retard et il était évident qu’il n’allait pas au travail. Alors d’un coup, j’eus l’impression de prendre un bain bouillant. Je compris, alors, que j’allai retourner dans le présent. Je me laissais faire, soulagée. De retour dans ma chambre, je regardai autour de moi et je remarquai que j’étais toujours dans notre mobil-home. Un vent de panique et de déception souffla, alors, sur moi : je n’avais pas réussi à sauver mon père ! Je n’en avais fait qu’à ma tête malgré l’interdiction du carnet... Le carnet ! Je le pris soudain, soulagée qu’il soit encore sur mon lit, et je me mis à en feuilleter frénétiquement les pages dans le but de trouver une inscription. Effectivement, en plein milieu du carnet se trouvaient deux nouvelles phrases : « Je t’avais prévenue. Plus que deux essais. » Le lendemain matin, j’étais tellement fatiguée que je réussis à peine à aller à l’école. Je ne me rendis même pas au C.D.I car je réfléchissais à un nouveau moyen de sauver mon père. Je n’arrivais pas à accepter que je ne pouvais pas le ramener à la vie. Finalement, j’en vins à la conclusion qu’il me suffisait juste d’empêcher mon père d’avoir ce travail, il ne se rendrait donc pas à son bureau et ne mourrait pas. Je n’avais jamais passé une journée aussi longue. Je ne faisais que penser au carnet et à la vie que j’aurais, une fois mon père sauvé. Tous les professeurs de la journée me firent remarquer que j’étais encore dans la lune et, que si ça conti- nuait, je n’aurais pas la moyenne à la fin du trimestre. Je m’en moquais
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