Direction de l’Enseignement Primaire –Cellule LCP- Enseignants ‘Orero : Rufina Tetumu et Abel Teahua - 5 - 1 – Généralités Le ’ōrero, une pratique forte du patrimoine culturel et linguistique polynésien Généralités 1 : La société polynésienne, tout comme le reste de l’espace océanien est une société à tradition orale. Le ’ōrero s’inscrit obligatoirement comme une expression littéraire ancestrale dans la mesure où il devait répondre à des exigences littéraires et langagières. En outre, seuls les initiés ou spécialistes– tahu’a, ’auvaha ari’i ou messager du chef, haere pō, ori pō ou récitants des généalogies, ou encore les hiva, toa, ’aito c’est-à-dire des guerriers auteurs de hauts faits, et les rautī tama’i, guerriers harangueurs étaient en droit de pouvoir s’exprimer devant un auditoire qui les reconnaissait en tant que tels car formés dans des écoles de spécialistes, les fare ’aira’a upu et les fare ha’api’ira’a. Néanmoins, la visée du discours était sociale et politique. Il s’agissait particulièrement d’asseoir le pouvoir d’un chef, d’une chefferie, d’un ancêtre ou d’une divinité. Les outils mnémotechniques étaient ceux de l’oralité à savoir l’utilisation d’accessoires tels que le ’autī (cordyline terminalis)2 , le ’ōmore (lance, massue) , le rau mei’a ( feuilles de bananier )3, le viriviri ( sorte de rosaire )4. Au sein du discours, l’intonation et la force de l’intention, le jeu sur le rythme et les répétitions ou encore l’utilisation de toponymes identiques et de correspondances malgré les variantes régionales ont fait du ’ōrero un véritable réceptacle de la mémoire ancestrale. Le glissement sémantique du ’ōrero en tant que forme d’expression artistique et littéraire ne s’opère véritablement qu’après l’apparition de l’écriture. Le ’ōrero, en rentrant dans l’écrit n’est plus un discours social, politique ou bien une prière. Il devient un art. L’art oratoire ou déclamatoire est transmis et classifié en même temps que l’enseignement du message biblique. Les ’ōrero recueillis par les missionnaires anglais sont reconnus comme faisant partie intégrante de la littérature orale polynésienne ancienne ainsi que ceux des puta tupuna – livres des ancêtres des familles. Les ’ōrero commencent à être écrits avant d’être oralisés. On peut parler d’une certaine forme de démocratisation de la parole en même temps que du message biblique, même s’il n’est pas donné à tout le monde de déclamer un discours devant un public. Certaines familles ont transmis ce savoir à leurs descendants certes, mais très peu se hasardent à cet exercice car considéré comme sacré. Depuis les années 70-80, suite au renouveau culturel, le ’ōrero revient à la mode, le Heiva5 en est une illustration. Il redynamise et démocratise l’art oratoire et affirme ainsi la vigueur et la richesse de la culture littéraire polynésienne. Par ailleurs, la participation de diacres voire de pasteurs dans la vie politique polynésienne a permis l’élaboration de discours, de ’ōrero ou bien ’ōrerora’a parau (allocution, exposé, discours) sur le même principe par les politiciens. Cette volonté de transmettre s’est également manifestée par une décision politique d’ouverture d’une classe de ’ōrero au sein du Conservatoire Artistique de la Polynésie française dans le cadre de la promotion du patrimoine culturel polynésien cela, depuis la rentrée scolaire 2000. L’enseignement à raison d’une heure par semaine de ’ōrero donne à celui-ci un statut équivalent à celui de la danse traditionnelle ou d’autres disciplines. Dans cet ordre d’idée, le ’ōrero, au même titre que les autres, devient une discipline artistique à part entière. 1 D’après Valérie Gobrait 2 Tahiti aux temps anciens p45 : « Le ti est peut-être la plus importante des plantes polynésiennes. Ses belles feuilles vertes ou jaunes étaient portées par les orateurs, les guerriers et les magiciens en fonction et le ti leur sert de protection » Le ti représente la plante sacrée des polynésiens par excellence car on prétend qu’il est capable d’éloigner les mauvais esprits, on lui attribue aussi des vertus médicinales et on l’utilise pour diverses fonctions (Vaihere Cadousteau). 3 Tahiti aux anciens p180 : « En témoignage de paix….. » p307 : « La pousse de bananier offerte aux dieux ….était l’emblème du respect au roi et de l’esprit de conciliation des groupes antagonistes. » 4 Tahiti aux temps anciens p168 : « Les prêtres tordaient et faisaient des nœuds sur des feuilles de cocotier en faisant une sorte de rosaire appelé viriviri ( tordu ) qu’ils utilisaient pour compter leurs prières pendant les nuits de veille. » 5 Manifestation culturelle organisée au mois de juillet principalement sur l’île de Tahiti avec des spectacles de danses et chants et des activités de lancer de javelot, course de porteurs de fruits, course de pirogue….
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