Les Chinois de Polynésie française Entre permanence et transformation identitaire
Il convient d’apporter à ces questions des réponses nuancées. Car les premiers Chinois arrivant aux États-Unis en nombre important furent des immigrés débarquant à San Francisco 2 , et il faut reconnaître que la question de l’immigration aux États-Unis suscite un lancinant débat qui fait surgir un grand nombre de préoccupations sur le vouloir vivre ensemble : entre autres, ce qui constitue la matrice culturelle de l’identité américaine, les conceptions de la démocratie libérale anglo-saxonne, les ambiguïtés du multiculturalisme, les conditions d’adhésion à la religion civile constitutionnelle. L’exemple de la Californie montrera que le passé, le présent et le futur d’une minorité raciale, quelle qu’elle soit, ont été et sont toujours déterminés largement par le point de vue du garde-frontières et celui du nouveau participant au champ socio- politique. L E POINT DE VUE DU GARDE - FRONTIÈRES La côte ouest des États-Unis a été au XIX e siècle la dernière frontière raciale. Ce non seulement parce que le processus de conquête continentale s’arrête sur les bords du Pacifique, mais surtout parce que la toute nouvelle souveraineté américaine se heurte à la présence d’éléments culturels exogènes : les Amérindiens sommés de choisir entre l’assimilation et l’extermination, les Californios dont les traditions religieuses, sociales et politiques s’intègrent difficilement aux schèmes des vainqueurs, et à partir de 1849 tous les ressor- tissants de pays étrangers qui s’improvisent prospecteurs d’or 3 . Le Chili, le Mexique, l’Australie, le Pérou, la Chine, la France, ont chacun leurs contingents d’hommes avides de faire fortune et prêts pour cela à prendre tous les risques. Mais si les Européens trouvent facilement leur place dans les communautés de la Vallée du Sacramento ou des contreforts du Sierra Nevada, les Hispaniques et les Chinois en revanche sont en butte aux préjugés raciaux. L’idéologie de la supériorité culturelle blanche qui a sous-tendu l’expansion vers l’ouest trouve encore plus facilement à s’exprimer après la 170 2 Cf. Gunther Barth, Bitter Strength : A History of the Chinese in the United States, 1850-1870, Cambridge : Harvard University Press, 1964 ; Betty Lee Sung, Mountain of Gold : The Story of the Chinese in America, New York : Macmillan, 1967 ; Roger Daniels, Asian America : Chinese and Japanese in the United States since 1850, Seatlle : University of Washington Press, 1988 ; Sucheng Chan, Asian Americans : An Interpretive History, Boston : Twayne Publishers, 1991 ; Ronald Takaki, A Different Mirror : A History of Multicultural America, Boston : Little, Brown and Co., 1993, 191-215. 3 Voir par exemple J.S. Holliday, The World Rushed In : The California Gold Rush Experience, New York : Simon & Schuster, 1981 ; James J. Rawls, Richard J. Orsi, eds., A Golden State : Mining and Economic Development in Gold Rush California, Berkeley, University of California Press, 1999.
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