Les Chinois de Polynésie française Entre permanence et transformation identitaire

guerre avec le Mexique, dans un contexte de concurrence économique avivée et de démocratie populaire rudimentaire. L’État de droit minimal fait que les protections juridiques habituelles n’ont plus cours. Et c’est ainsi que nombre d’assemblées de mineurs, sous les espèces de la démocratie directe, font voter des résolutions excluant les Hispaniques et les Chinois des zones aurifères les plus prometteuses. Les premiers législateurs californiens leur emboîtent le pas en imposant de façon discriminatoire à ces seuls mineurs étrangers le paiement d’une taxe qui va représenter jusqu’à la moitié des recettes budgétaires du nouvel État. Leur présence est tolérée à condition qu’ils ne menacent pas directement les activités des autres prospecteurs. De fait, ils vont se contenter soit de reprendre les gisements aurifères abandonnés, soit de choisir des sites peu prometteurs. Avant même le déclin de la fièvre de l’or, les mineurs chinois vont s’égailler dans le reste de la Californie et tout le long de la côte du Pacifique et à l’intérieur, à la recherche d’autres opportunités économiques. D’autres forment ici et là de petites enclaves ethniques dominées par les commerçants. Les deux hypothèses ont dû avoir une valeur explicative égale en fonction des circonstances locales. Toujours est-il qu’en 1857, le terme de « Chinatown » est pour la première fois répertorié. Le Butte Record, un modeste journal d’Oroville, un petit centre économique fondé en 1850 dans le comté de Butte, évoque la célébration du Nouvel An chinois en décrivant la liesse des habitants du quartier chinois 4 . Le terme et l’image exotique, faite d’un mélange de fascination et de répulsion, vont rester, et être accolés à d’autres lieux identiques où les visiteurs européens et américains sont assurés de trouver boutiques d’apothicaires et autres échoppes, fumeries d’opium, gargotes, blanchisseries, maisons de prostitution, temples, le tout dans un environnement malfamé et sordide. L’idée d’une population marginalisée et inassimilable a depuis longtemps fait son chemin. Mineurs, coolies ou travailleurs de force employés par la compagnie ferroviaire de Lelan Stanford 5 , maraîchers, pêcheurs d’abalones et de crevettes, tous métiers confondus, les Chinois savent leur situation juridique précaire. La Cour suprême de l’État en administre la preuve en 1854 6 en cassant une condamnation pénale prononcée contre un Américain blanc, au motif que le témoin à charge est un 171 4 Cité par Leland T. Saito, Race and Politics : Asian Americans, latinos and Whites in a Los Angeles Suburb, Chi- cago ; University of Illinois Press, 1998, 207. 5 Les difficultés économiques et les courants xénophobes ont toujours eu une relation de cause à effet détonante, comme le rappelle William Deverell, Railroad Crossing : Californians and the Railroad, 1850-1910, Berkeley : Uni- versity of California Press, 1994, 13-37. 6 People v. George Hall, 4 Cal. 399 (1854)

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