Les Chinois de Polynésie française Entre permanence et transformation identitaire
Chinois, dont la parole est aussi peu digne de foi que celle des Indiens et des Noirs visés nominativement par la loi d’exclusion de certains témoignages. Le rédacteur de l’arrêt, le juge Murray, ajoute un curieux argument en faisant allusion à l’arrivée sur le continent américain des premiers Indiens, censés être d’origine asiatique puisqu’ils auraient traversé à pied le détroit de Behring ! Ceci marque le début des péripéties judiciaires surabondantes qui ont accompagné l’installation des Chinois sur le sol américain, à telle enseigne qu’on peut parler d’une construction de l’identité raciale et sociale sino- américaine par le biais des contentieux juridiques. Cette population immigrée a découvert les profonds ressorts de la société américaine en s’investissant dans des litiges relatifs à la liberté d’entreprise, aux conditions d’entrée et de séjour et d’acquisition de la citoyenneté assurément, mais aussi les procès individuels et collectifs touchant au droit à l’éducation ou aux garanties constitutionnelles fondamentales. Il convient de signaler ici le rôle d’enclenchement joué par les autorités californiennes - les législateurs tout comme les édiles - qui prennent une longue série de mesures attentatoires aux droits économiques des Chinois, surtout lorsque ces derniers semblent en passe de dominer certains secteurs, choisis par défaut en réalité, comme celui de la blanchisserie. En 1870, San Francisco compte plus de 240 établissements opérés par des Chinois sur un total de 320. La municipalité (mais des villes comme Napa, Stockton ou Modesto ne sont pas en reste) réagit en imposant une taxe exceptionnelle avec une étrange progressivité sur l’usage de carrioles par les blanchisseurs : deux dollars pour l’emploi d’un cheval, quatre dollars pour deux chevaux, mais quinze dollars si le blanchisseur n’utilise pas du tout ce moyen de transport. Les édiles savent justement que c’est le cas des Chinois. Ils vont utiliser d’autres stratagèmes pour tenter d’évincer cette concurrence économique, notamment en édictant des normes de construction sévères en prétextant des raisons de sécurité publique et d’hygiène, ou en sollicitant l’avis de douze contribuables riverains avant d’accorder ou de renouveler une autorisation d’exploitation. Mais l’application de la réglementation est toute discrétionnaire et les normes sont des plus changeantes. Regroupés en association professionnelle, soutenus par le consulat chinois et divers groupements d’entraide, les blanchisseurs chinois font alors appel à des hommes de loi comme Hall McAllister pour défendre leur cause jusqu’à la Cour suprême fédérale. L’arrêt Yick Wo c/ Hopkins 7 leur donne 172 7 Yick Wo v. Hopkins, 188 U .S. 356 (1886). L’arrêt est longuement analysé par Charles J. McClain, In Search of Equality : The Chinese Struggle against Discrimination in Nineteenth-Century America, Berkeley : University of California Press, 1994, 115-132.
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