Les Chinois de Polynésie française Entre permanence et transformation identitaire
le sens d’une plus grande démocratie économique, mais également plusieurs paragraphes stigmatisant la présence chinoise, interdisant l’embauche de ces immigrants dans les sociétés commerciales ou dans le secteur public, autorisant les collectivités locales à circonscrire leurs activités ou leur résidence dans certains périmètres. Cette vague de sinophobie impressionne suffisamment les partis Républicain et Démocrate au niveau national pour que tombent les dernières réticences quant à l’arrêt de l’immigration honnie. Le 6 mai 1882, le Président Chester A. Arthur signe une loi interdisant pendant une période de dix ans l’entrée de travailleurs chinois 14 . À ces derniers sont assimilées d’ailleurs les femmes, cette exclusion venant s’ajouter à celle prévue par la loi Page de 1875 15 visant l’entrée de Chinoises susceptibles de s’adonner à la prostitution et appliquée de la manière la plus arbitraire. Les deux lois combinées ne manqueront pas de porter un coup décisif à l’organisation de la vie familiale et communautaire (avec la perpétuation d’une société majoritairement masculine) et au statut déjà précaire de tous les immigrants, sauf s’ils sont décrits comme des étudiants, des enseignants et des commerçants. Hormis ces trois catégories, les seuls Chinois sur lesquels ne pèse aucune certitude juridique sont ceux qui sont devenus desAméricains en vertu du jus soli . Pour tous les autres, quand bien même ils seraient munis de certificats d’identité, la voie de la naturalisation n’est pas ouverte du fait d’une loi datant de 1790 qui réserve l’acquisition de la citoyenneté à des « Blancs libres », excluant ainsi les esclaves de couleur et les Amérindiens 16 . Cette loi avait été amendée en 1870 pour normaliser la situation des Noirs nouvellement émancipés mais en écartant expressément les Chinois de cette faculté. Les lois d’exclusion vont en fait se succéder pour pérenniser un peu plus le texte de 1882. Seules changent les modalités et les contraintes administratives. Tous les Chinois doivent être dûment identifiés dans un registre afin qu’il n’y ait aucune confusion sur les visages ou les noms. Ensuite est imposée la possession d’un certificat de retour pour qui veut quitter provisoirement les États-Unis pour quelque raison que ce soit. Pour ceux qui sont dans l’incapacité de présenter ce document, ou à défaut de présenter un témoin de race blanche pour prouver sa bonne foi, la déportation immédiate est prévue sans autre forme de procès. Si le renvoi vers la Chine n’est pas immédiat, les contrevenants à la loi sont détenus et traités comme des criminels sans la garantie d’un procès équitable. Mais même le sentiment de sécurité fragile conféré par la détention 175 14 Chinese Exclusion Act, May 6, 1882, 22 Stat. 58. 15 Act of March 3, 1875, 18 Stat. 477. 16 Naturalization Act of March 26, 1790, United States Statutes, Vol.1, P. 103 (First Congress, Session II).
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