Les Chinois de Polynésie française Entre permanence et transformation identitaire

comme le stipula le Code Civil californien de 1880. Cette méfiance mutuelle aura également fait émerger une conscience pan-ethnique commune à nombre de Japonais, de Chinois, de Coréens, de Philippins, et d’autres minorités du continent et sous-continent asiatique. L E POINT DE VUE DES NOUVEAUX CITOYENS ASIATIQUES À la fin des années 1960, l’historiographie et la sociologie américaine prennent acte des changements intervenus dans les rapports entre la société dominante et les minorités asiatiques. L’accent n’est plus mis sur les cas de réussite ou d’échec du processus linéaire d’assimilation mais plutôt sur la réhabilitation d’une certaine mémoire collective. Par la publication de récits autobiographiques, de fictions à portée sociologique, de monographies sur telle ou telle période ou communauté, de synthèses prenant en compte aussi bien le racisme institutionnel que les tensions intra-ethniques contradictoires avec l’esprit de solidarité, les grands oubliés du paradis égalitaire américain prennent nom et visage. Qui plus est, le message social nouveau est celui des minorités exemplaires. Ce paradigme nouveau, popularisé par le sociologue de Berkeley William Petersen, est appliqué aussi bien aux Juifs qu’aux Japonais et aux Chinois 23 . Les anciens parias deviennent des parangons. Le mérite en revient- il aux intéressés, forts de leur éthique du travail et de l’éducation, pétris des valeurs familiales traditionnelles, investis du sens des responsabilités sociales, dotés de l’esprit d’indépendance et d’entreprise, ou bien doivent-ils leur réussite exemplaire aux institutions américaines, à la démocratie participative américaine ? En tout cas, la théorie de la minorité-modèle est contestée par les premiers concernés comme une forme de condescendance et comme un reproche adressé aux autres minorités incapables de se conformer au même schéma de progrès économique et de mobilité sociale. C’est l’époque où tous les conformismes sont vigoureusement remis en question, la présence militante prenant le pas sur l’acceptation passive. Les styles de protestation publique ont changé, à l’image des combats des Afro-Américains pour l’égalité des droits civiques, de même que la médiatisation des événements et les modalités de la conquête du 177 23 William Petersen, « Success Story. Japanese American Style », New York Times Magazine, 9 January 1966 ; « Success Story of One Minority in the U.S. », US News and World Report, December 26, 1966. Voir également l’article élogieux de Louis Winnick, « America’s Model Minority », Commentary, Vol. 90, N°2, Aug. 1990, 22-29, et comme exemple d’une approche relativisant la pleine objectivité de la formule, l’étude socio-économique de Lucie Cheng et Philip Q. Yang, « Asians : The Model Minority Deconstructed », in Roger Waldinger, Mehdi Bozorghmehr, eds., Ethnic Los Angeles, New York : Russell Sage Foundation, 1996, 305-344.

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