Les Chinois de Polynésie française Entre permanence et transformation identitaire
pouvoir, par le vote ou par groupes de pression interposés. Alors que la discrétion était de mise pendant la longue période de transition culturelle, toutes sortes de revendications sont désormais librement exprimées, à commencer par la recherche d’une agrégation sociale asiatique en réponse à la pratique administrative des classifications ethno-raciales. En Californie comme à l’échelle nationale (et comme autrefois à Chicago, NewYork, ou Boston avec les Irlandais), les minorités ethniques savent tous les avantages à se regrouper pour influencer les modes de gouvernance locale dans le sens du pluralisme et de la justice 24 . À Los Angeles, c’est par ce jeu des alliances que Edward Roybal était devenu à la fin de la guerre le premier Hispanique à siéger au conseil municipal, et que Tom Bradley deviendra le maire de la ville. La leçon est vite apprise : même si les minorités ethno-raciales ne forment pas toujours des blocs homogènes (le concept de classe ethnique étant parfois plus pertinent), il est possible au travers de certains enjeux politiques de susciter des réflexes de solidarité. Ceci est d’autant plus facile qu’un sentiment de confiance collective s’est instauré dans ces groupes traditionnellement exclus et que les tendances démographiques leur sont de plus en plus favorables. Le mouvement de fond vers une majorité de minorités, au détriment de la population blanche, s’amorce à ce moment-là. Les Sino-Américains de la troisième ou quatrième génération ne se perçoivent plus évidemment comme des hôtes de passage (sauf pour les quelque 90 000 individus qui choisissent le retour en Chine entre 1900 et 1943), à l’image de leurs aïeuls coupés de leurs racines par les lois d’exclusion et donc résignés à s’installer durablement aux États-Unis avec des situations socio- économiques contrastées, allant de la paupérisation à une relative aisance, toujours soumis en tout cas à diverses formes de ségrégation (résidentielle, éducative, professionnelle). Nombre de jeunes n’hésitent pas à opter pour le radicalisme politique. La guerre du Vietnam par exemple leur apparaît comme une agression impérialiste contre d’autres Asiatiques qui ambitionnent simplement d’affirmer leur souveraineté. Ils se joignent ainsi au combat des pacifistes américains, quand ils n’entrent pas dans les rangs de groupuscules maoïstes 25 . De même, la lutte pour obtenir l’accès égal à l’éducation leur semble être une cause juste. Toutes les générations se retrouvent dans cette démocratie d’inter-action où les immigrés de fraîche date (originaires de Hong Kong, de 178 24 Ronald H. Bayor, ed., Race and Ethnicity in America, New York : Columbia University Press, 2003, 193-240. 25 Laura Pulido, Black, Brown, Yellow and Left : Radical Activism in Los Angeles, Berkeley : University of California Press, 2006.
Made with FlippingBook
RkJQdWJsaXNoZXIy NzgwOTcw