Les Chinois de Polynésie française Entre permanence et transformation identitaire
nations asiatiques que se concentrèrent les attaques, avec parfois de forts relents de racisme et de xénophobie visant non seulement ces intermédiaires finan- ciers mais toutes les communautés asiatiques. En somme, on assista au retour des classifications raciales simplistes, à la dénonciation des cinquièmes co- lonnes ou du moins de la double loyauté de ces ressortissants étrangers deve- nus Américains par convenance, à la culpabilité par association, bref à l’ostracisme de tous les donateurs ayant le malheur de porter un nom à conso- nance orientale, qu’ils soient de bonne ou de mauvaise foi, qu’ils aient fait une contribution conforme à la loi ou non. En prenant l’initiative d’une enquête interne, le parti Démocrate, pour essayer de séparer le grain de l’ivraie en quelque sorte, dut recourir au même procédé du profilage racial pour parcourir les listes des donateurs et interroger les personnes suspectées sur leur histoire personnelle, leur passé, leurs rela- tions, en oubliant leur identité de citoyens américains. On comprend que les plus mauvais souvenirs du XIX e siècle aient affleuré à nouveau dans les es- prits mais aussi que la lucidité ait ensuite repris le dessus parmi les détracteurs, dont beaucoup ont présenté des excuses publiques pour les propos caricatu- raux visant leurs concitoyens asiatiques. Pour de bonnes ou de mauvaises raisons, pour des motifs de tactique po- liticienne ou d’hostilité culturelle, la diasporisation négative peut resurgir ainsi sous quelque prétexte que ce soit. Cette oscillation entre phases d’espoir et de jubilation et phases de désillusion et de découragement a été intégrée depuis longtemps par les groupes et les individus concernés. Comment pourrait-il en être autrement dans une nation définie par le philosophe Michael Walzer comme étant perpétuellement dans un état radical d’inachèvement 32 ? Ce chan- tier identitaire permanent est à la fois la faiblesse et la force des États-Unis où l’idéal de la société post-ethnique s’oppose encore parfois à l’héritage anglo- saxon. Le pentagone ethno-racial 33 est toujours présent, et les sédimentations de l’histoire constitueront toujours une sorte d’inconscient collectif. Pour au- tant, le pluralisme dans toutes ses dimensions reste au cœur des enjeux contem- porains dans ce pays, précisément parce qu’il ne se prêtera jamais à une définition univoque. 182 32 Michael Walzer, What It Means To Be an American, New York : Marsilio, 1996. 33 Pour certains auteurs, il convient d’aller au-delà de cette géométrie raciale trop figée. Voir par exemple David Hol- linger, Post-Ethnic America : Beyond Multiculturalism, New York : Basic Books, 2000 ; Peter H. Schuck, Diversity in America : Keeping Government at a Safe Distance, Cambridge : Belknap Press of Harvard University Press, 2003.
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