Les Chinois de Polynésie française Entre permanence et transformation identitaire

ta’ata tumu : homme/humain ( ta’ata ) originaire/(de) souche ( tumu ). Plus spécifiquement, ils se disent ta’ata Tahiti, ta’ata Raiatea, ta’ata Rurutu, etc., en référence à leur île d’origine (Tahiti, Raiatea, Rurutu…) ; également, à l’intérieur d’une île, ils se reconnaissent comme originaires d’un lieu : par exemple, ta’ata Punaauia, ta’ata Faaone, ta’ata Pueu, soit autant de “districts” ou villages, pris ici à l’intérieur de l’île de Tahiti. À la fin des années 1970, dans le contexte d’un renouveau culturel tahitien se manifestant notamment par la redécouverte du tatouage, est également apparue une nouvelle façon de se définir : à l’aide du terme mä’ohi . Il désigne tradi- tionnellement en langue tahitienne ce qui est indigène, endémique, lié à la terre, comme la fleur emblématique tiare tahiti dite aussi tiare mä’ohi , ou bien comme le pua’a mä’ohi (cochon sauvage), le i’a mä’ohi (poisson du rivage, vivant proche des terres). En quelques années, l’adjectif mä’ohi a été largement étendu à l’homme (dit ta’ata mä’ohi , voire directement Mä’ohi ), à la culture ( peu mä’ohi, hiro’a tumu mä’ohi ), à la langue ( reo mä’ohi ) par les deux principaux animateurs du courant identitaire traditionaliste, Henri Hiro et Duro Raapoto. Ces jeunes intellectuels, théologiens protestants et poètes, forgent alors un discours tentant de dépasser les identités territoriales locales au profit d’une appellation ethnique globale. Ils rejettent la compatibilité des identités française et tahitienne (ou marqui- sienne, mangarévienne, etc.) et optent pour une appellation “radicale”, dans le sens étymologique du terme, c’est-à-dire tournée vers les racines. D’où l’apo- logie de l’identité mä’ohi , entendue comme indigène, autochtone, propre aux originaires de ces îles, même s’ils ont été métissés au fil du temps (Henri Hiro est notamment issu de la famille Brémond, et Duro Raapoto a des origines chinoises percevables assez aisément). Duro Raapoto (1978) 5 découpe le terme mä’ohi en deux parties : mä (avec une longueur sur le a) et ’ohi , posant que mä signifie libre, propre, digne, et que ’ohi désigne une jeune pousse reliée à une souche ( tumu ). L’ethnonyme mä’ohi porterait donc fondamentalement les valeurs de dignité et d’autochtonie, ainsi que le lien à la terre. 187 5 Raapoto, Duro (ou Turo a Raapoto) (1978). “ Maòh i, ou l’identité bafouée”, Journal des Missions Évangéliques n° 7-8-9, pp.114-119.(Republié dans Les Nouvelles deTahiti du 22 mars 1979 sous le titre “ Qu’est-ce qu’être mä’ohi en 1979 ?’’).

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