Les Chinois de Polynésie française Entre permanence et transformation identitaire

En Polynésie française, cette extension de l’attribut mä’ohi à la langue, à la culture et à l’homme, a connu un vif succès au point de se banaliser totalement au fil de la décennie 1980. Cet apparent consensus ne saurait pourtant faire oublier les résistances, longtemps discrètes mais tenues de certains originaires, à la fois quant à l’interprétation du terme mä’ohi par Duro Raapoto, et quant à la pluralité de ses nouveaux usages, notamment au sujet de l’être humain. Nombre de Tahitiens d’un certain âge n’acceptent ainsi pas la transformation de l’identité du ta’ata Tahiti (ou du ta’ata Mo’orea, ta’ata Ra’iatea…) en ta’ata mä’ohi ou même Mä’ohi . Faisant disparaître la référence à un lieu, à une île, l’appellation mä’ohi déterritorialise en effet les identités particulières, au profit d’une identité globale (et non plus locale). Celle-ci est devenue un concept générique signifiant l’autochtonie, et non plus l’appartenance à un territoire précis. Par ailleurs, loin des discours identitaires qui perçoivent dans le terme mä’ohi une expression porteuse de dignité, certaines personnes âgées jugent impropre son emploi au sujet de l’homme, ne l’estimant approprié qu’aux plantes et aux animaux endémiques ou originaires de ces îles. Leur point de vue a fait l’objet d’explications très claires, voire virulentes, dans diverses émissions télévisées de RFO Polynésie présentées par David Marae, en 1999 et 2000, “Matahiapo” (les Aînés). D’un point de vue scientifique (linguistique), une analyse comparative - régionale - du mot mä’ohi permet d’établir, en effet, que celui-ci ne véhicule pas du tout l’idée de pureté ou de propreté perçue par Duro Raapoto dans sa supposée composante mä . En revanche, dans des îles polynésiennes autres que celles de Polynésie française, les équivalents du terme mä’ohi ne sont pas appliqués de façon restrictive aux végétaux et animaux ; ils peuvent qualifier l’humain, voire même des objets abstraits, signifiant la permanence, la vérité, le caractère de ce qui n’est pas emprunté. Le mot tahitien mä’ohi se rattache clairement aux racines protopolynésiennes ma’oli, ma’oki , ma’oni, construites sur la base de ’oki , signifiant “demeurer”, “ne pas changer”. En Polynésie, au sens large (Samoa, Tonga…), les termes dérivés de ces racines qualifient ce qui ne change pas. S’agissant de l’homme, ma’oli, ma’oki, ma’oni … s’appliquent donc parfois, dans certaines îles polynésiennes (hors Polynésie française) pour signifier l’autochtonie, 188

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