Les Chinois de Polynésie française Entre permanence et transformation identitaire

étaient appelés Hiti-ni’a (Bord supérieur). Ra’iätea et Tahaa, Hiti-raro (Bord in- férieur); et Ma’areva (Mangareva) était Hiti-poto (Bord court)” 8 . L’île de Tahiti proprement dite se nommait Hiti nui avant de devenir, dans certaines circons- tances rapportées par la reine Marau Taaroa Salmon 9 , Tä-hiti (prononcé au- jourd’hui, Tahiti). Rurutu était Hiti-roa (ou ’iti-roa), les Îles Sous-le-Vent formant Hiti-raro. Pour les membres de Hiti Roa, les Tahitiens sont des Ta’ata tahiti , et non des Mä’ohi . Se définir comme Mä’ohi par rapport aux Popa’ä , c’est se définir par rapport à l’Autre, et non dans une démarche véritablement traditionnelle. De leur point de vue, mä’ohi désigne d’ailleurs ce qui est indigène d’un quel- conque pays, et non spécifiquement des îles polynésiennes. Par exemple, dans la Bible, dont la qualité de la traduction en tahitien (dans les années 1820-1830) passe pour exemplaire, il est fait mention du pua’a mä’ohi (Lévitique XI-7 et Deutéronome XIV-8) pour désigner le porc ( pua’a ) sauvage dont la consom- mation est interdite aux anciens Hébreux 10 . Il ne s’agit évidemment pas, dans le texte biblique, du porc des îles polynésiennes. Pour les membres de Hiti Roa, ce qui est propre aux Polynésiens, c’est le rattachement à leurs îles, non à l’indigénéité 11 . Il convient aussi de noter non seulement le refus des membres de Hiti Roa de 190 8 Henry, Teuira (1951). Tahiti aux temps anciens. Paris, Musée de l’Homme, Société des Océanistes, n° 1, 722 p. (édition originale 1928. Ancient Tahiti. Honolulu, Bishop Museum, Bulletin n° 48, 651 p.). 9 Marau Taaroa (1971). Mémoires de Marau Taaroa, traduits par la princesse Takau Pomare. Paris, Musée de l’Homme, Société des Océanistes, n° 27, 294 p. À la page 130 de son texte, elle explique que sous le règne de son ancêtre Tetunae, à une époque très lointaine, Hitinui devint Tahiti pour commémorer l’accession au pouvoir de Tetunae deuxième du nom (petit-fils du premier) et l’édification en son honneur du marae Tahiti dans la chefferie de Vaiari (Papeari). Elle n’explique toutefois pas le sens des noms Hiti-nui et Tahiti. En revanche, Teuira Henry (1951 : 454-460) rapporte le mythe du détachement de l’île de Tahiti, à partir de l’île de Hava’i’i (Ra’iätea) avec laquelle elle faisait originellement un, ‘’d’où son nom de Tä-hiti (transplanté).Il [Elle] se détacha sous la forme d’un immense poisson et ensuite redevint une terre’’(1951 :454). Par transplanté, il faut comprendre, amené au-delà de sa limite (d’où l’association du préfixe tä , et de hiti ). Ce thème du poisson Tahiti continue localement d’inspirer écrivains et artistes. Il a aussi été choisi par trois des quatorze groupes de danse en compétition aux fêtes traditionnelles de juillet 2007 à Papeete.Il a aussi inspiré à Duro Raapoto un ouvrage (2004). Te revaraa o te ià : te parau o Terehëamanu. Papeete, Église Évangélique en Polynésie française, 96 p. 10 Lévitique XI-7 : ‘’Vous ne mangerez pas le porc, qui a la corne fendue et le pied fourchu, mais qui ne rumine pas : vous le regarderez comme impur… e te puaa maohi, e maiuu amaha â hoi to te reira, e te vahihia ra, no te mea râ aita ïa e tamarû i te maa, ei mea viivii ïa ia outou’’. Interdiction renouvelée dans le Deutéronome XIV-8 : ‘’Vous ne mangerez pas le porc, qui a la corne fendue, mais qui ne rumine pas… oia atoa te puaa maohi, maha noa to'na maiuu, oia râ aore i tamarû i te maa, ei mea viivii te reira ’’. 11… Les membres de Hiti roa n’hésitent pas à s’exprimer dans la presse tahitienne à chaque occasion où l’usage public du terme mä’ohi leur paraît abusive : parce qu’ils le perçoivent comme trop général (signifiant l’origine, sans que celle-ci soit précisée), soit fleurtant avec la sauvagerie. En témoigne ce communiqué de presse ( La Dépêche

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