Les Chinois de Polynésie française Entre permanence et transformation identitaire
l’appellation mä’ohi au sujet de l’homme, mais également de l’idéologie indépendantiste mä’ohi , bien ancrée au sein de l’Église protestante (à laquelle ils appartiennent majoritairement). Ils rejettent donc non seulement l’emploi de mä’ohi au sujet de l’homme, mais aussi plus globalement l’affirmation identitaire mä’ohi traditionaliste qui supporte une cause politique également synonyme pour eux de régression. En avril 2009, les principaux animateurs de Hiti Roa (Eugène Bessert, Eimar Amaru, Emile Teihotaata, Emile Tetuanui) convoquent à nouveau une conférence de presse lors de laquelle ils exhibent des reproductions de cochons en bois au cou desquels ont été suspendues des pancartes “Maohi”. Eugène Bessert explique en effet que lorsqu’il est appliqué “à l’homme, le marqueur maohi opère une mutation de l’homme à l’animalité” 12 . Derrière leur tribune, ils ont déployé une banderole figurant l’inscription : “Ezekiela 23,42 Taata Maohi chez les prostituées”. Leur argumentation repose à nouveau sur la présence du terme mä’ohi , dans la traduction tahitienne de la Bible, affublé d’une signification péjorative qu’auraient oublié les ardents partisans actuels de la cause mä’ohi . En résumé, de leur point de vue, mä’ohi désignerait “un être impur, un dépravé sexuel” ( ibid. ). Pour une démonstration plus aboutie, il convient à notre avis de se pencher sur le verset du livre d’Ezéchiel en question, sur son contexte, et sur ses différentes traductions, afin de bien évaluer cette possible dimension négative du terme mä’ohi au moment de la traduction de la Bible en tahitien, au début du XIX e siècle. Voici le texte français ( La Bible, traduction de Segond, 1910) et le texte tahitien (1836), que nous choisissons de poursuivre jusqu’au verset suivant, en souli- gnant la référence à mä’ohi [c’est nous qui soulignons] : “On entendait les cris d'une multitude joyeuse ; Et parmi cette foule d'hommes, 191 …11 de Tahiti, 24/04/2008, p.23) rédigé suite à la diffusion par la chaîne RFO d’un émission consacrée aux Anciens combattants tahitiens de la Seconde Guerre mondiale, qualifiés par le journaliste de Tamari’i mä’ohi , alors qu’ils se reconnaissaient à l’époque (notamment dans leurs chants militaires) sous celle Tamari’i Tahiti :‘’RFO fait très fort au journal télévisé en tahitien du samedi 19 avril. Nos combattants partis au front sont carrément estampillés ‘’Maohi’’. Il ne reste plus qu’aux chaînes nationales de télévision de suivre l’exemple de la chaîne française d’Outre-Mer et d’estampiller ‘’Gaulois’’ les poilus et les combattants de la dernière guerre (…) Au plus profond de la mémoire collective des Tahitiens le qualificatif maohi restitue une représentation négative (…) C’est donc une insulte à la mémoire de nos valeureux combattants morts sur le front. Si nos regrettés Tahitiens tombés sur les champs de bataille pouvaient se relever, ils demanderaient des excuses publiques. Ils sont nés tamarii Tahiti , se sont engagés tamarii Tahiti et sont décédés tamarii Tahiti ’’. 12 La Dépêche de Tahiti, 21/04/2009, p. 17.
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