Les Chinois de Polynésie française Entre permanence et transformation identitaire
ensemble », du « bien-être partagé » avec ses excès alimentaires. Il est lui-même support de rites, dont un mode de préparation et de répartition des aliments qui répond aux normes et à la hiérarchie sociales, elles-mêmes reliées à des concepts fondamentaux de statut, de stratification, et de pouvoir. À l’exemple de la plupart des sociétés traditionnelles qui valorisent la charge intestinale et le sentiment de « plénitude » qu’elle engendre, l’« appétit » des anciens Tahitiens a souvent été mis en évidence par les premiers observateurs. L’importance du volume consommé devait toutefois être exceptionnelle, limitée aux personnes de haut rang, ou aux périodes de large disponibilité alimentaire. Une abondance naturelle relative Malgré l’existence de périodes de soudure alimentaire, l’économie des anciens Tahitiens a pu être qualifiée « d’économie d’abondance ». Mais si les conditions étaient particulièrement favorables, et les ressources relativement abondantes, les problèmes d’accès à la nourriture n’étaient pour autant pas inexistants, d’abord du fait de la saisonnalité marquée de fructification de l’aliment de base par excellence, le ’uru . La place centrale du ’uru dans le système alimentaire induisait des périodes de discontinuité dans la disponibilité, à cause du cycle productif propre à l’espèce végétale : la période où les arbres ne donnaient pas leurs fruits était considérée comme période de disette. L’année était ainsi divisée en deux saisons : la période d’abondance ( te tau et te tau miti rahi ) et la période de disette ( te tau poai ), qui correspondaient au mouvement des Pléiades dans le ciel tahitien. La disette ( o’e ), au sens de rupture de disponibilité du ’uru , était donc régulière et prévue. Pénurie et abondance se rapportaient ainsi à la fructification de l’arbre à pain, période d’intenses cérémonies religieuses et de festins sacrés. Cette alternance très marquée dans la disponibilité du principal aliment de base a certainement amené la constitution par les chefs de stocks de fruits sous forme de pâte fermentée dans des fosses souterraines, le mahi , pour assurer la soudure jusqu’au début de la période de fructification suivante. La relative abondance naturelle était également limitée du fait de la symbolisation forte de l’usage des aliments : manger n’est pas seulement un acte nutritif mais un acte social. L’abondance alimentaire apparente chez les anciens Tahitiens était donc, au-delà de ses limites dans la variété relative des aliments et des risques toujours présents de disette et même de famine, normée et restreinte par des règles sociales qui formaient un système s’appliquant non seulement à la consommation individuelle, 200
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