Les Chinois de Polynésie française Entre permanence et transformation identitaire

mais également à la circulation des produits. L’aliment au centre de la vie sociale et culturelle Le système de dons et contre-dons propre à la société polynésienne ancienne régissait la circulation des biens produits, qui elle-même fondait l’ensemble de la structure sociale et des relations au sein de cette structure. Ce système n’était pas purement utilitaire ou se réduisant à une simple règle d’hospitalité : il constituait le fondement de l’économie tahitienne. La pression sociale qui s’exerçait sur l’hôte qui recevait, sur le donneur, était aussi forte chez le receveur : à l’obligation de donner correspondait l’obligation symétrique de rendre. Il y avait toujours attente d’un retour, d’un contre-don, immédiat ou différé, et pas nécessairement strictement équivalent. L’hospitalité chez les anciens Tahitiens était individuelle, mais aussi collective. Lors de la visite d’une personne de rang, une cérémonie d’accueil et de paix était organisée : le ’utu . De l’abondance du festin offert et du caractère cérémonial de l’offrande dépendait le niveau de prestige tiré par la population qui accueillait. Une autre forme de prestations alimentaires s’exprimait par les dons dus aux chefs. Là encore, le tribut appelait sa contrepartie, la « redistribution » spécifique à la fonction de chef et qui pouvait prendre de nombreuses formes, principalement alimentaires, forme tout autant obligatoire de réciprocité entre le chef et sa communauté. Le chef était selon les anciens Tahitiens doté de pouvoirs surna- turels, qui lui donnait un contrôle sur les conditions climatiques et la fertilité naturelle : les dons qui lui étaient destinés permettaient de le satisfaire et d’assu- rer des conditions favorables. Un des moyens privilégiés de redistribution populaire était le festin qui suivait chacune des cérémonies, occasion de ripailles qui pouvaient durer plusieurs jours dans de gigantesques déploiements de nourritures. La fête est signe d’abondance, démonstrateur de prestige, donc de puissance pour le chef. L’abondance naturelle relative était de plus restreinte par de nombreux interdits et séparations qui marquaient les différences entre membres de la société ancienne, faisant de Tahiti la « métropole du tabou » (Dumont d’Urville). L’ancienne culture tahitienne a instauré un système complexe d’interdits, permanents et temporaires, imposés à tous ou à un groupe donné variable. Ainsi le rahui était une interdiction édictée par le chef d’un territoire et signifiée matériellement de produire, prélever, transporter, distribuer et consommer un ou plusieurs aliments, végétaux ou animaux, terrestres ou marins, en partie ou en totalité, pendant une durée et sur un territoire donnés, de façon périodique 201

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