Les Chinois de Polynésie française Entre permanence et transformation identitaire

ou ponctuelle. L’interdiction était donc très large, générale sur le territoire, et pouvait s’appliquer aux différents composants du système alimentaire, de la production à la consommation, jusqu’à pendant plusieurs années, en touchant différents types d’aliments, cochons, poissons ou végétaux. En cas de rahui , les anciens habitants des Îles du Vent pouvaient passer plusieurs jours sans manger aucun aliment. La fin du rahui marquait le début de festivités, qui duraient près d’un mois : la redistribution était ici pratiquement immédiate, et se faisait d’abord sous forme d’un grand repas collectif. Le rahui était un véritable moyen de cohésion et de contrôle sociaux qui permettait la régulation de la disponibilité alimentaire de la population, en obligeant la population à laquelle il s’appliquait à une solidarité de contrainte. Un autre aspect important chez les anciens Tahitiens est lié aux représentations du corps. L’importance de l’aspect physique a été relevée chez tous les insulaires du Pacifique, mais était particulièrement marquée à Tahiti. Les corpulences fortes constituaient un trait physique très apprécié des anciens Polynésiens, et des Tahitiens en particulier : il semble que le surpoids caractérisé, l’obésité permanente, ait été un trait physique attribué aux chefs dans toutes les sociétés polynésiennes. La corpulence était le signe de leur place dans la structure sociale, le symbole même du bien-être de la communauté tout entière. Une nourriture appropriée et abondante, des soins insistants portés au corps, une inactivité physique patente, et surtout des « cures » d’engraissement, constituaient les ingrédients pour faire des chefs des obèses aux yeux des Européens, et le symbole de la fertilité de leurs terres, de la générosité des dieux à leur égard et du prestige de leur communauté aux yeux des anciens Tahitiens. Un culte de l’abondance Les éléments présentés jusqu’ici dessinent les contours d’un culte tahitien de l’abondance : l’aliment était le pivot de ce culte de l’abondance qui structurait la société tahitienne ancienne en profondeur. Un des vecteurs de ce culte de l’abondance était la pratique tahitienne du ha’apori , de l’engraissement systématique, relevée dans une bonne partie du Pacifique insulaire oriental (Manihiki-Rakahanga, Mangaia, Mangareva, l’île de Pâques et l’île de Rurutu). Les personnes soumises au ha’apori étaient enfermées à l’ombre dans des fare spéciaux, et nourries abondamment d’une préparation à base de ’uru . Tout mouvement, tout exercice étaient proscrits. Une fois « engraissés », les individus soumis au ha’apori étaient présentés en 202

RkJQdWJsaXNoZXIy NzgwOTcw