Les Chinois de Polynésie française Entre permanence et transformation identitaire
d’un Tahiti édénique, le reconnaît dans son Journal : l’abondance est très inéga- lement répartie, socialement limitée, les aliments ne sont pas disponibles pour tous à tout moment de l’année. Des dons aux échanges et au commerce Avec la fréquentation grandissante des navires occidentaux, l’échange, le troc puis la vente prirent rapidement la suite du don initial, qui n’était effectué que pour s’attacher le contre-don obligé des Européens et leurs objets recherchés. Les objets d’échange européens étant d’abord concentrés entre les mains des chefs locaux, le cours des échanges augmenta au fil de la rareté grandissante des porcs détruits au cours des nombreuses guerres, et de la dépréciation des biens échangés. Aidés par les missionnaires anglais, les ari’i prirent rapidement en main l’organisation du commerce souvent à leur seul profit en utilisant les surplus produits en végétaux et animaux locaux pour établir et entretenir des relations d’échanges avec l’extérieur. On assiste ainsi à un véritable détournement du circuit de distribution-redistribution, les chefs allant jusqu’à imposer des rahui pour reconstituer les stocks de porcs pour le commerce et l’export. Dès les années 1820, les transactions sont monétaires, les chefs utilisant comme « médiateurs » avec les navires de passage les missionnaires qui voient dans le commerce un moyen d’obtenir de l’argent nécessaire pour leurs propres achats de biens notamment alimentaires. Le changement instauré dans les circuits d’échange permit donc aux chefs, puis aux grandes familles demies dans un second temps, d’asseoir leur place dans un environnement économique modifié. Une telle organisation commerciale a pu provoquer des famines parmi les populations concernées et contribuer à appauvrir Tahiti de ses ressources naturelles. La christianisation de la société Au cours de la première moitié du XIX e siècle, le christianisme devint la religion dominante, en général sous sa forme protestante, de nombre d’ensembles socio- politiques polynésiens. Pendant les vingt premières années de présence des premiers missionnaires protestants dans les îles de la Société, le message chrétien a du mal à s’installer dans le système de pensée tahitien. Car le changement de divinité demande aux Tahitiens un retournement métaphysique complet : accepter de passer de dieux mangeurs, qui réclament constamment leur part sacrificielle de nourriture végétale, animale et humaine, se délectant de l’âme humaine qu’ils râpent comme de l’amande de coco, à un dieu « mangé » sous la forme de l’hostie, 204
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