Les Chinois de Polynésie française Entre permanence et transformation identitaire
même si les comportements alimentaires ne variaient pas ou très peu au quotidien. Comme ailleurs dans le monde, les missionnaires ont imprimé en Polynésie un nouveau rythme de cuisine, le rythme hebdomadaire du repas dominical. Les circuits des échanges entre Tahiti et les États du Pacifique évoluèrent sensiblement pendant le deuxième tiers du dix-neuvième siècle, sans toutefois trop interférer encore avec les produits alimentaires disponibles au quotidien, avec peut-être un accès accru aux aliments autrefois réservés à l’élite tahitienne. La colonisation française Le Protectorat instauré par la France à partir de 1842 a tenté de développer l’économie, grâce à l’étoffement de la colonie européenne, et à la politique agricole et commerciale, par la promotion systématique des cultures d’exportation (huile de coco, sucre, manioc puis café et coton). Le nouvel ordre productif mis en œuvre par les grands propriétaires terriens et l’administration territoriale naissante a favorisé le salariat. Les échanges avec l’extérieur se sont multipliés et diversifiés, les Tahitiens passant d’un état d’interdépendance avec les Européens, à une phase de dépendance économique. Les chefs traditionnels profitèrent souvent de leur position pour se déclarer propriétaires de terres sur lesquelles ils ne détenaient en réalité que des droits cérémoniels et favoriser ainsi les cultures d’exportation. La prise en main du commerce par les chefs traditionnels et les missionnaires a permis l’introduction de nouveaux aliments (farine, biscuits, viande salée et rapidement en conserve), dont la relative rareté encore en faisait des produits « de luxe ». Mais l’enrichissement rapide des anciens chefs et des nouvelles familles « demies » a pour contrepartie le dénuement du peuple, qui fournit les matières premières propres aux échanges et ne recueille en retour que des objets sans valeur commune avec celle des biens fournis : perles, nacre, corail, holothuries, coton, café, sucre, bois de santal, végétaux de toutes sortes… Face à l’abandon progressif des cultures de subsistance, le poids de l’alimentation importée grandit dans l’alimentation quotidienne des Tahitiens. À côté des circuits vivriers traditionnels se crée un circuit vivrier marchand avec la production locale sous forme de maraîchage, ou l’importation de produits, qui s’ajoutent à l’autoproduction. L’alimentation ne dépend plus alors seulement des contraintes de production locale, mais également et surtout des décisions politiques et des enjeux entre les tenants du pouvoir économique et commercial. À la fin du XIX e siècle, les Tahitiens s’approvisionnent de plus en plus dans 206
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