Les Chinois de Polynésie française Entre permanence et transformation identitaire

les petits commerces, payant en monnaie ou plus fréquemment en gageant leur récoltes de vanille, coprah, nacre ou perles à des taux de crédit bien souvent abusifs mais s’inscrivant dans les phénomènes d’échange traditionnels. Le développement des transports interocéaniques, grâce à l’avènement de la navigation à vapeur, les facilités de stockage du riz, sa disponibilité grandissante dans les petits commerces, ainsi que la facilité comparée de cuisson et de prépara- tion par rapport aux aliments traditionnels, en font vite un aliment de complément des Tahitiens. L’introduction et la diffusion rapide et massive de la boîte de conserve ont également marqué de façon durable les comportements par les avantages qu’elle procure : stockage d’une longue durée, bonne conservation des aliments, faible encombrement et protection du contenant, et faible coût du fait d’une production industrielle de masse. Le développement du commerce de proximité au début du XX e siècle, et l’utilisation de nouvelles techniques de conservation, auraient ainsi fait disparaître le procédé de conservation par ensilage des fosses à ’uru ou à taro , aujourd’hui complètement abandonné. À la fin du XIX e siècle, la conserve était considérée comme un bien de luxe, qui permettait de pallier les irrégularités d’approvisionnement et les problèmes de conservation des produits. Le corned-beef ou punu pua’a toro devint une des bases du régime alimentaire polynésien jusqu’à nos jours, comme les conserves de poisson. Le beurre put faire son apparition dans l’alimentation quotidienne des Tahitiens, toujours sous forme de conserve. C’est également dans un contexte général de colonialisme, de commerce avec l’Outre-Mer et de recherche d’aliments de longue conservation que se développa l’industrie des biscuits. Biscuits secs et biscuits de mer, comme les premières conserves industrielles, étaient produits en grande partie pour pourvoir aux besoins des voyageurs et des forces armées, avant de s’introduire dans l’alimentation quotidienne des populations locales. Aujourd’hui encore, si la baguette de pain n’est pas disponible dans les commerces, les Polynésiens la remplacent par des biscuits salés. L’histoire de la diffusion des produits de l’industrie alimentaire recoupe ainsi celle de la colonisation, anglaise comme française, en Afrique et dans le Pacifique. La découverte d’un dépôt de phosphates à haute teneur à Makatea dans l’archipel des Tuamotu remonte à 1890 ; l’exploitation de ces dépôts commença en 1908, dominant l’économie des EFO jusqu’en 1966. Les travailleurs se nourrissaient sur place, ayant à leur disposition un commerce créé spécialement ainsi qu’un foyer pour la cuisson des aliments, un réfectoire commun, et un restaurant chinois. Grâce aux niveaux de salaire relativement élevés, le choix disponible était large, 207

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