Les Chinois de Polynésie française Entre permanence et transformation identitaire

amenant de nombreux Polynésiens à manger des aliments qu’ils n’avaient jamais eu l’occasion de consommer avant. Les Polynésiens choisissaient de travailler à Makatea, s’exilant sans leur famille pour de longs mois, non tant pour gagner leur vie que pour se constituer une épargne pour l’achat de matériaux plus ou moins durables de construction ou de biens d’équipement. Cette stratégie de migration inter-île permit des transferts financiers à destination des familles restées dans l’île d’origine, permettant la progression générale du niveau de vie et de la consommation mais au détriment des activités productrices traditionnelles. Malgré les quelques aliments nouveaux disponibles dans les commerces de proximité à partir de la fin du dix-neuvième siècle, qui s’ajoutent aux aliments locaux plutôt qu’ils ne les remplacent, le mode socio-économique de vie n’avait pas vraiment varié, basé essentiellement sur l’autoconsommation : la production vivrière a fait vivre la quasi totalité de la population jusqu’à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Le volume ingéré par les Polynésiens au cours d’une seule prise alimentaire est toujours perçu comme supérieur à celui des Occidentaux, avec une forte irrégularité de ces prises au cours d’une journée. Les premiers chiffres disponibles sur la valeur calorique de l’alimentation au quotidien des Polynésiens montrent que la part des calories quotidienne apportée par les produits importés dépasse 50 % en 1947. L’alimentation est encore fondée en majeure partie sur l’auto-production, mais on note le recul de cette dernière : les plantations vivrières collectives ont été définitivement remplacées par les plantations commerciales, détournant en partie les Tahitiens des composants traditionnels de leur alimentation, et des membres toujours plus nombreux de la communauté sont salariés ou perçoivent des revenus monétaires. À la fin des années 1950, la population tahitienne semble émerger avec peine de plus d’un siècle de stagnation avec la chute démographique brutale du début du XIX e siècle, et d’un processus de changement culturel, économique et religieux complet. Une nouvelle tradition alimentaire se met en place, où riz et produits à base de farine remplacent désormais plus qu’ils ne complètent les vivriers traditionnels, où le punu pua’a toro devient l’accompagnement carné à défaut de porc frais, où maquereau, sardine et saumon en boÎte prennent la place du poisson qu’on ne trouve plus le temps de pêcher, hormis en fin de semaine. D’une façon générale, les nouveaux modes de préparation alimentaires souffrent 208

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