Les Chinois de Polynésie française Entre permanence et transformation identitaire

Mais l’absence de variété relevée est d’abord due aux conditions économiques : dans toutes les enquêtes que nous avons menées depuis plus de dix ans en Polynésie française, le fait de se considérer comme Tahitien de souche est très fortement corrélé à des revenus bas pour le ménage. Nous avons toutefois montré qu’au-delà des aspects strictement économiques des spécificités fortes marquent le fait de se considérer comme « Mä’ohi », à revenu et à structure du ménage comparables. Un autre facteur que le strict facteur économique intervient donc pour expliquer cette relative monotonie de l’alimentation au quotidien, l’ habitus , d’où l’importance du sentiment d’appartenance ethnique en Polynésie française comme facteur explicatif de comportements sociaux, et notamment alimentaires. On peut observer également un phénomène qui ressort d’anciennes habitudes : l’irrégularité des prises alimentaires. Irrégularité d’abord dans la journée, les trois prises principales étant fortement déséquilibrées en volume. Le repas principal du jour, souvent le soir dans les ménages dont les adultes travaillent dans la journée, est ainsi bien plus copieux que les en-cas pris en début et milieu de journée. Irrégularité ensuite dans les prises entre la semaine et le week-end, car si les prises alimentaires principales en semaine se distinguent par la « monotonie » des aliments consommés, nous avons observé une forte diffé- renciation en ce qui concerne les prises du dimanche et celle des jours fériés et festifs, beaucoup plus plantureuses. Cette irrégularité des prises, en journée comme entre la semaine et le week-end, n’est pas sans rappeler l’irrégularité déjà relevée chez les anciens Tahitiens. Malgré l’urbanisation majoritaire de la population, l’autoconsommation consti- tue toujours une source importante de l’alimentation pour les Tahitiens de souche. D’autant que si le prix des produits importés est resté stable, le prix des produits locaux a connu une nette augmentation depuis une trentaine d’années. Les taux d’autoconsommation sont d’autant plus importants que l’on s’éloigne de l’agglomération urbaine de Papeete mais restent relativement élevés y compris pour cette dernière zone. Il s’agit d’un signe fort d’une économie basée sur le réseau d’échanges inter-maisonnées, et concerne non seulement des produits « traditionnels » mais également des produits introduits par les Européens ou les Chinois et faisant partie désormais du régime alimentaire. Dans les quartiers de Tahiti et Moorea enquêtés, le réseau de parenté est dense avec des enchevêtrements dus aux changements de résidence sur les abords du quartier et même au-delà de l’île pour devenir inter-insulaire, à la base des relations qui lient les maisonnées entre elles. Dans un bon nombre de cas, 211

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