Les Chinois de Polynésie française Entre permanence et transformation identitaire

l’unité de consommation n’est donc pas délimitée par les murs de la maison : la maisonnée ne correspond pas forcément au groupe domestique, et n’y est pas toujours englobée non plus. Un envoi de produits bruts depuis les îles éloignées fait ainsi l’objet d’une distribution aux autres membres de la fratrie et parfois aux « proches ». Ces dons reçus provenant des îles d’origine, grâce à des envois réguliers par bateau ou avion de glacières emplis d’aliments, sont revêtus d’une forte charge affective, « qualitative », qui n’a aucune mesure avec leur valeur strictement économique, réputés avoir un goût et une saveur différents des mêmes aliments obtenus par l’achat. Les actions familiales entreprises en commun sont désormais moins fréquentes à Tahiti. Elles sont limitées aux fêtes annuelles, ou alors au repas familial du dimanche souvent encore autour d’un ma’a tahiti , qui permet ainsi de préser- ver et renforcer un lien social. Au-delà des aliments qui le composent, respectant le marqueur gustatif culturel constitué par le lait de coco, et de son mode de préparation qui varie de plus en plus, et malgré un coût relatif des produits plus élevé que celui des produits importés, le ma’a tahiti est l’occasion de rassembler la famille, les amis proches ou l’ensemble de la communauté autour d’une abondance de nourritures, ceux pour qui se nourrir ensemble signifie autre chose qu’un simple acte biologique : un acte social fort. Si l’aliment de base de la nourriture quotidienne paraît ne pas toujours résister comme marqueur identitaire -le riz a remplacé depuis bien longtemps le ’uru et le taro - en revanche la nourriture festive est vécue tout à la fois comme un rappel de la ‘tradition’, et comme ‘espace’ et ‘temps’ où s’affirment des identités. L’excès, propre au don, est alors de mise. Le repas du dimanche permet au-delà de la réunion de la famille « élargie » d’affirmer son appartenance culturelle. Manger du ma’a tahiti , c’est affirmer ses racines polynésiennes. La cuisson au four enterré ou ahima’a reste d’actualité à ces occasions dans quelques cas, même si la tendance dans les appartements modernes et les maisons sans beaucoup de terrain disponible est à passer de la cuisson au four à la cuisson à l’eau ou au four à gaz ou électrique. La cuisine calendaire du passé est ainsi considérée comme « la » cuisine traditionnelle, celle de l’abondance festive. L’absence des interdits religieux sur la nourriture avec la christianisation de la société, les transferts financiers massifs depuis la métropole pendant les quarante dernières années qui ont plus bénéficié à la consommation qu’à l’investissement, et la disponibilité alimentaire dans les circuits de distribution 212

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