Les Chinois de Polynésie française Entre permanence et transformation identitaire

de condamnation, sous des aspects moraux ou traditionnels, de la viande, du gras et du sucre, et le surpoids n’est pas considéré par les Polynésiens en général, et les Tahitiens en particulier, comme pathologique ou à risques, et stigmatisé en tant que tel comme dans le monde occidental. En replaçant l'obésité en Polynésie française dans son contexte « éco- systémique », on évite l'écueil d'une vision strictement culturaliste qui au mieux ferait de la suralimentation et de l'obésité un pattern propre aux Polynésiens, et au pire en rejetterait la responsabilité sur les individus en risquant la stigmati- sation d'un groupe social donné, sans remettre en cause les inégalités socio- économiques ni se poser la question de la pertinence des interventions de santé publique. Et là où les différents acteurs qui influent sur la prise de décision ne voient que dysfonctionnement et maladies de surcharge, l’anthropologue verra un « brouillage » d’identité, le malaise des représentations sociales entre groupes sociaux, la crise de la perception de la place et du sens de l’aliment. La dimension socio-anthropologique de l’alimentation est ainsi essentielle pour comprendre en quoi d’autres facteurs que strictement nutritionnels peuvent être associés au développement de l’obésité. La prise en compte des facteurs socioculturels et environnementaux au sens large, c'est-à-dire intégrant des facteurs politiques (les intérêts variés et souvent convergents des différents acteurs, les modes d'organisation de la production et de la distribution des aliments) et économiques (les décisions prises localement en matière de taxation de certains produits, les statuts socio-économiques des différents groupes), et de leur évolution historique respective, s’avère primordiale. Les comportements autour de la nourriture subsistent longtemps malgré les changements radicaux intervenus dans la vie sociale et économique. Ils sont donc susceptibles de jeter un éclairage assez particulier sur la culture d’un groupe donné. Au-delà du processus physique d’incorporation, l’homme en mangeant s’incorpore dans un système culturel, où les modes de production, d’échanges, de « cuisine » et de consommation sont culturellement déterminés. L’alimentation est ainsi un élément central de la construction des identités : les particularismes alimentaires sont parmi les derniers « marqueurs » à disparaître, et l’alimentation saisie dans son contexte culturel peut être utilisée comme un puissant symbole d’identité. La découverte de régularités dans des configurations culturelles très différentes, comme en Afrique et en Polynésie, donne une nouvelle importance aux acquis des travaux sur l’économie traditionnelle et aux phénomènes de domination à l’œuvre pendant les périodes de contact interculturel. Les différentes stratégies 216

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