13 Le second concept, « théâtre de sciences », semble également (re)lancé par Raichvarg (1990), dans sa thèse doctorale sur les sciences et le théâtre. Le « (re) » rappelle les sources d’inspiration de cet auteur, l’expression « théâtre scientifique » ayant été initiée par Louis Figuier (1881), lequel a proposé, dans la seconde moitié du XIXe siècle, une nouvelle forme de vulgarisation des sciences. Quant à Raichvarg, il préfère utiliser l’expression « théâtre de sciences ». Cette appellation, que nous préférons éga- lement, a été reprise ultérieurement par plusieurs chercheurs et fait l’objet de nombreuses manifes- tations scientifiques (colloque Théâtre et sciences, 1998 ; Quel répertoire théâtral traitant de la science ?, 1999 ; Temps scientifique, temps théâtral, 2000 ; Théâtre de sciences, 2001…). Le concept de « théâtre scientifique » ou « théâtre de sciences » a fait l’objet de nombreuses réflexions critiques et épistémologiques. En attirant l’attention sur la théâtralité et en rappelant les codes de la dramaturgie, Aboudarham (2008) interroge les expressions théâtre de science vs science du théâtre. Valmer (2002) explique que « le théâtre de sciences » convoque l’esprit critique qui ne peut être totalement opé- ratoire que s’il se développe sur un fond d’affect, et l’acteur oblige le spectateur à ressentir l’acte théâtral dans sa chair. Ford (1999) propose le concept de « médiation théâtrale », qui emprunte des éléments au théâtre et aux animations spectaclisées, l’auteur répertoriant dans les musées actuels cinq formes de « museum-théâtre ». En conséquence, l’animation scientifique simple peut devenir animation spectaclisée ou représen- tation théâtrale si des techniques et des méthodes rigoureuses du théâtre sont combinées à la trans- mission fidèle des connaissances scientifiques. La frontière entre deux concepts (« théâtre de sciences » et « animation spectaclisée ») peut sembler floue. C’est certainement le lieu et le type d’interaction avec le public qui pourrait départager ces deux concepts : L’animation spécialisée peut permettre des improvisations, des dialogues avec le public et la sollicitation des spectateurs sur scène pour participer activement au spectacle scientifique. Les animateurs utilisent souvent comme technique le dialogue avec le public, les répétitions, les interrogations, les rebondissements sur les gestes et répliques du public. Le « théâtre de sciences » peut se différencier par l’espace scène, l’interprétation (art oratoire, changements de tons), les dialogues limités aux personnages de la pièce, les décors et les costumes (accessoires et manipulations diverses, mise en espace, décor, lumières) qui sont plus proches du théâtre que de l’animation. On notera que lors des interviews que nous avons menés à la Cité des Sciences et de l’Industrie, les animateurs ont déclaré se sentir plus en sécurité dans une intervention type « théâtre de sciences », même s’ils n’ont pas de formation théâtrale, que dans une intervention type « animation specta- clisée ». Pourquoi ? Effectivement, dans une pièce de « théâtre de sciences », ils incarnent un personnage dont les répliques sont bien préparées à l’avance et qui restent en interaction avec les seuls person- nages de la pièce (unité de temps, de lieu et d’action). Ainsi, si l’animateur n’est pas un spécialiste du sujet abordé, le personnage (à travers le costume, l’histoire, la convention théâtrale) « le protège » des éventuelles questions du public auxquelles il pourrait ne pas avoir de réponse. Dans le cadre d’une « animation spectaclisée », où le public est sollicité, une maîtrise du sujet abordé est nécessaire, pour justement pouvoir interagir avec le public sur le sujet. On revient à la définition initiale du concept de spectaclisation qui désignait des conférences données par les scientifiques, enrichies avec des éléments du spectacle. Tout texte de médiation scientifique peut être adapté sous l’angle d’une « animation spectaclisée » ou d’une pièce de « théâtre de sciences ». Dans cet ouvrage, c’est l’approche « théâtre des sciences » qui a été choisie. Toutefois, les textes permettent facilement une mise en scène optant pour l’interaction avec le public.
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