M a ohi TŪ’ARO àl’écoleprimaire DOSSIER PÉDAGOGIQUE
1 JEUX ET SPORTS TRADITIONNELS POLYNESIENS TŪ’ARO MĀ’OHI à l’école primaire
1 Remerciements Je tiens à remercier : - Pour la confiance qu’ils nous ont accordée : M. NENA Tauhiti, Ministre de l’éducation ; M. MORHAIN Christian, Directeur de l’enseignement primaire ; M. MARCHAL Ernest, Inspecteur de l’éducation nationale en charge du développement de l’enseignement des langues et culture polynésiennes. - Pour leur expertise et leur disponibilité : Mlle. TEISSIER Vairea, archéologue, historienne et documentaliste au Musée de Tahiti et des îles ; Mme. PIOT Laurence, Inspectrice de l’éducation nationale en charge de l’enseignement de l’EPS (circonscription pédagogique n°6) ; Mlle. SANQUER Stéphanie, CPAIEN et chargée de mission de l’EPS. - Pour leur intérêt et leur engagement dans ce projet : Mme. LYS Christelle, MR EPS (circonscription pédagogique n°3) Mme. TEIKITEETINI Marie, MR EPS (circonscription pédagogique n°4) Mme. HIRA Moerani, MR EPS (circonscription pédagogique °8) M. MARERE Jean-Marie, MR EPS (circonscription pédagogique n° 9) Mme. TEHEIURA Rolanda, MR EPS (circonscription pédagogique n°11) M. TIARE Jonas, EA-LCP (circonscription pédagogique n°6) - La Cellule Langues et Culture Polynésiennes pour leur aide précieuse, leurs conseils et la dynamique permanente apportée à ce dossier : Mlle. PAIA Mirose, docteur en linguistique et chef de la cellule LCP Mme. FAAHU-VAKI Noëlle, CPAIEN M. BUCHIN Rahiti, CPAIEN M. TAVAEARII Emile, EA TICE
2 Table des matières Introduction....................................................................................................... 3 1. Définitions................................................................................................... 5 2. Description des jeux et sports traditionnels en Polynésie ............................ 6 2.1 Un peu d’histoire...................................................................................................... 6 2.2 Jeux et sports traditionnels anciens........................................................................... 6 2.3 La danse, un divertissement du peuple polynésien ................................................. 16 2.4 Jeux et sports traditionnels récents ......................................................................... 18 3. Les objectifs de la pratique des JST dans le premier degré........................ 23 3.1 Les jeux et sports traditionnels : leur contribution à l’acquisition des compétences en EPS et du Socle Commun............................................................................................ 23 3.2 Proposition de répartition des jeux et sports traditionnels par compétence ............. 26 3.3 Contribution des tū’aro mā’ohi au Dire-Lire-Ecrire en langue(s) polynésienne(s).. 27 4. Règles de jeu en tahitien et modules d’apprentissage ................................ 32 Bibliographie................................................................................................... 45 Annexe 1 – Pahu et Vivo ................................................................................. 48 Annexe 2 – Albums en lien avec les Tū’aro mā’ohi ........................................ 49 Annexe 3 – Documents en lien avec les JST à destination des élèves - CRDP 51
3 Introduction Jeux et sports traditionnels, une pratique forte du patrimoine culturel polynésien L’espace polynésien, comme beaucoup d’autres régions du monde, renferme une histoire culturelle très importante. L’identité de cet espace apparaît sous différentes formes : le ’ōrero ou l’art oratoire, la diversité linguistique, l’art culinaire, la sculpture, le tatouage…et les jeux traditionnels sont les témoins d’un patrimoine culturel à préserver. Malheureusement, au fil des ans, certains jeux traditionnels ont disparu des pratiques quotidiennes et ont emporté avec eux un riche patrimoine ancestral. La reconnaissance internationale des jeux et sports traditionnels, patrimoine culturel de l’humanité1 Grâce aux actions de certaines institutions, les sports et jeux traditionnels sont remis au goût du jour et sont reconnus comme éléments du patrimoine culturel de l’humanité : En 1989, l’UNESCO reconnaît le jeu comme l’une des expressions de la culture populaire et traditionnelle : « La culture populaire et traditionnelle est l'ensemble des créations émanant d'une communauté culturelle fondées sur la tradition, exprimées par un groupe ou par des individus et reconnues comme répondant aux attentes de la communauté en tant qu'expression de l'identité culturelle et sociale de celle-ci, les normes et les valeurs se transmettant oralement, par imitation ou par d'autres manières. Ses formes comprennent, entre autres, les langues, la littérature, la musique, la danse, les jeux, la mythologie, les rites, les coutumes, l'artisanat, l'architecture et d'autres arts ». (UNESCO, 1990:254). En 2006, l’UNESCO organise une consultation d’experts et de représentants de différentes institutions ayant pour objectif la création d’une plate-forme internationale pour la promotion et le développement des jeux et sports traditionnels (JST). Plusieurs actions sont proposées à l’issue de cette consultation. Parmi elles notons : Promouvoir les JST dans les écoles, notamment en cours d’éducation physique. Promouvoir les valeurs inhérentes aux JST, notamment, la solidarité, la résolution des conflits, la diversité, le respect et la reconnaissance culturelle… Aujourd’hui, l’école semble être l’endroit approprié où les élèves ont la possibilité de découvrir et d’apprendre le patrimoine culturel et ludique propre à chaque région. D’ailleurs, le contexte institutionnel est favorable à la pratique des JST. Les textes officiels de l’école primaire préconisent clairement la pratique de ces jeux comme moyen éducatif pour atteindre les compétences visées. « L’enseignement s’appuiera de façon prioritaire sur ces activités : activités physiques d’expression (danse)…jeux collectifs (jeux avec ou sans ballon, traditionnels ou non)… »2 En Polynésie française, la circulaire ministérielle du 1er septembre 2011 portant sur le développement de l’EPS et du sport scolaire inscrit la journée dédiée au tū’aro mā’ohi dans le calendrier des actions et évènements de l’année scolaire. En 2012, « la mise en œuvre des activités physiques et 1 Dr. Pere Lavegua Burgues, Tradition et modernité dans les jeux et sports traditionnels, Les jeux et sports traditionnels dans l’europe du XXIè siècle : un enjeu d’avenir . 2 La consultation sur les nouveaux programmes de l’école primaire – cycle 3 – projets de documents d’application en EPS – p.4, Ministère de l’Education Nationale
4 sportives dans une approche culturelle intégrant les caractéristiques de l’environnement géographique et social » est préconisée dans le cadre de la semaine du patrimoine. Dans les nouveaux programmes de l’école primaire en Polynésie française (juin 2012) les jeux et la danse traditionnels sont clairement préconisés. Dans un contexte culturel, les JST au même titre que les langues polynésiennes doivent être développés et préservés. Nous proposons modestement au travers de ce document une réflexion et des pistes de travail sur la pratique des jeux et sports traditionnels à l’école primaire. Il a pour objectif premier d’outiller les enseignants pour la mise en œuvre de projets pédagogiques dans le domaine des LCP et éviter ainsi toutes dérives folkloriques en s’appuyant sur des activités menées dans une des langues polynésienne en EPS. En effet, si les JST visent en priorité le développement des capacités motrices des élèves, ils participent pleinement au développement langagier de ces derniers. Véritables situations de communication, les jeux traditionnels permettent ainsi de travailler les cinq activités langagières déclinées dans l’annexe 1 des Programmes de l’école primaire en Polynésie française. Nous tenterons d’abord de décrire quelques jeux et sports traditionnels pratiqués en Polynésie et nous aborderons ensuite les liens avec les programmes.
5 1. Définitions Il est difficile de tracer une limite entre « jeux » et « sports ». « Autrement dit, il s’agit de faire avec les jeux et sports et non pas opposer les jeux et les sports »3. Il convient toutefois de définir ces activités. 1.1 Définition de « jeux traditionnels » Les jeux traditionnels sont des activités ludiques ayant marqués une époque et/ ou une région précise4. Ils représentent un patrimoine très riche. Les jeux traditionnels permettent d’aiguiser la réflexion, l’éducation et la sociabilité de chacun. Les JST permettent également de découvrir une culture, une manière d’être d’une population à une certaine époque. Ils regroupent aussi bien les jeux d’adresse que les jeux de réflexion. Définition de patrimoine 5: Sens 1 : Biens que l’on a hérité de ses ascendants (syn : héritage) Sens 2 : Ensemble des biens d’un groupe, d’une communauté, d’une collectivité (ex : Le patrimoine culturel français) 1.2 Définition de « sports » Le sport est un ensemble d'exercices, le plus souvent physiques, se pratiquant sous forme de jeux individuels ou collectifs pouvant donner lieu à des compétitions. Le terme de « sport » a pour racine le mot du vieux français desport qui signifie « divertissement, plaisir physique ou de l'esprit »6. 3 Eric Dugas, Jeux traditionnels et transfert d’apprentissage en EPS. 4 Wikipédia 5 Le petit Robert, 2006 6 Wikipedia
6 2. Description des jeux et sports traditionnels en Polynésie 2.1 Un peu d’histoire Autrefois, les Polynésiens étaient passionnés par les jeux et sports dont la plupart revêtaient un caractère initiatique et sacré. Grâce aux témoignages des premiers observateurs, nous pouvons aujourd’hui trouver des traces écrites décrivant ces activités ludiques et sportives traditionnelles pratiquées avec vif intérêt de l’enfance à l’âge adulte. Certains jeux et sports ont été interdits par des lois mises en place par les missionnaires, d’autres sont tombés en désuétude avec l’apport de nouvelles matières et techniques, mais nous constatons encore et heureusement la pratique persistante d’un certain nombre d’entre eux. Classer ces activités sociales entre « jeux » et « sports » serait difficile. En effet, si on tient compte des significations du mot heiva, il désigne en général tous les « amusements » ou « divertissements » mais aussi les spectacles de danse, la lutte ou le tir à l’arc. De nos jours, le terme « jeu » renvoie généralement au plaisir et aux divertissements réservés aux enfants ; le mot « sport » désigne essentiellement une activité physique ou une compétition. Dans la société traditionnelle, le jeu constituait une activité essentielle des enfants mais aussi des adultes. Jeu ou sport, tout était prétexte pour exercer leur force ou leur adresse (la fabrication du tapa, la marche, la cueillette, l’horticulture …). Dès leur plus jeune âge, les enfants étaient formés pour être autonomes, ils se développaient dans la nature auprès de leurs aînés. Les jeux et sports consistaient en l’adaptation de ces enfants au milieu environnant. A l’adolescence, les jeunes polynésiens étaient préparés à la guerre, la chasse, aux travaux horticoles ou encore à la navigation. Ils débutaient leur période d’initiation par l’apprentissage et la maîtrise parfaite de certains jeux ou sports. Outre leur aspect ludique, ces activités physiques étaient prétextes à un enseignement fondamental relatif aux connaissances nécessaires pour vivre ou survivre. A l’âge adulte, les Polynésiens continuaient à s’entraîner et consolidaient leurs savoirs ou leurs techniques acquis lors de la période de l’adolescence. Les ouvrages des auteurs tels que Teuira Henry, James Morrisson, William Ellis ou encore Moerenhout tentent d’énumérer et de décrire ces exercices individuels ou collectifs. Les descriptions qui suivent sont inspirées de plusieurs ouvrages cités dans la bibliographie et font référence aux auteurs nommés ci-dessus mais aussi aux recherches actuelles menées par des historiens, des linguistes, des anthropologues sur la Polynésie d’autrefois 2.2 Jeux et sports traditionnels anciens 2.2.1 Jeux et sports d’adultes Selon James Morrisson (1788 – 1791) et William Ellis (1817 – 1825), les jeux ou sports traditionnels donnaient lieu à des compétitions entre les îles ou les districts, à l’occasion de grandes fêtes religieuses «’ōro’a » ou profanes « heiva ».
7 1. Heiva mā’ona ou mā’ona - Lutte La lutte, exercice des nobles, était un sport très apprécié par la foule qui n’hésitait pas à se rassembler pour assister aux combats d’adversaires venus de différents districts. Ces compétitions étaient l’occasion de démontrer de la technique guerrière des uns et des autres. Au XVIIIè siècle, de nombreux observateurs ont décrit d’importants rituels organisés pour la pratique de ce sport. Certains relatent les offrandes des participants de jeunes bananiers au marae avant et à l’issue des combats. Avant la lutte, les participants présentaient des offrandes à la divinité du jeu pour invoquer l’aide de celui – ci. A l’issue du tournoi, le(s) vainqueur(s) se rendaient) sur les lieux de culte pour remercier les dieux. D’autres témoignages décrivent le cadre dans lequel se déroule cet exercice de force. Généralement, les tournois étaient organisés sur un terrain couvert de gazon ou bien une plage. Deux à dix lutteurs, vêtus d’un simple maro, le corps parfois enduit d’huile, s’affrontaient dans un cercle de 30 pieds (9m) de diamètre. Le mā’ona consistait uniquement à projeter l’adversaire au sol. Les femmes n’étaient pas exclues et étaient bien souvent les plus enthousiastes et nous pouvons citer le cas de la reine Purea experte en lutte, mais dit Morisson, « elles sont plus rancunières que les hommes et ne supportent pas de perdre. » E peu tā’aro teie, e’ere ra te pupu, e piti noa ta’ata. ’Ia ’ōpua na ta’ata mā’ona e tamatamata i tō rāua pūai, e ’āfa’i atu rāua i te tahi ohi mei’a i ni’a i tō rāua marae (e piti raua, e piti ïa marae). E pupu i te ohi mei’a i ni’a i te marae, nō te ta’u i te atua o te heiva mā’ona ia haere mai e tauturu. E parai i te tino i te mono’i, ’e maro tō te ta’ata mā’ona. E haru te tahi ’e te tahi i te pa’ufifi i reira e tāmata ai i te fa’ata’ahuri, ia tahuri i te tahi i raro i te fenua, ’ua rē ia ’oia. ’Ua ’upo’oti’a mai te hō’ē, e verora’a rahi te ’aue i te pae nō te pupu i upo’oti’a. E rutuhia te pahu, te tō’ere i reira te mau vahine ’ori e ’upa mai ai. E ha’a’ati te mau vahine ’ori i te ta’ata mā’ona i pohe nō te fa’ati’otī’o’o i te pupu i pau.7 Le heiva fa’atiti’aihemora’a ou fa’atitiauara’a Selon Teuira Henry, la course, appelée fa’atiti’aihemora’a ou fa’atitiauara’a, comprenait à la fois la course à pied, les courses de pirogues et la natation aussi. Les participants se préparaient longtemps à l’avance, soignaient leur alimentation et recouvraient leur corps d’huile pour acquérir de la souplesse. William Ellis donne quelques précisions : 2. Fa’atiti’aihemora’a - Course à pied La course à pied (appelé tata’ura’a horo aujourd’hui), parfois livrée entre deux concurrents seulement. Les coureurs portaient un maro et une couronne de fleurs. Il s’agissait pour eux de courir tout droit jusqu’au but qui leur était attribué. 3. Fa’atiti’aihemora’a va’a – Course de Pirogue8 « La course de pirogue était, à l’occasion exécutée sur les eaux calmes de l’océan ou à l’intérieur du récif, et semblaient leur donner de grandes satisfactions. »9 Au fil du temps, les pahī, les tipaerua ou grandes pirogues doubles à voiles ont disparues et les pratiques ancestrales aussi. Ce n’est qu’en 1850, lors des 1ères festivités organisées par le gouvernement 7 Dictionnaire illustré de la Polynésie, Volume D-L, p. 301 8 Voir la séquence pédagogique, La pirogue polynésienne de MARTRE Alain, Enseigner l’éducation physique et sportive à l’école primaire en Polynésie Française, Guide pratique pour l’enseignant, p. 38 CRDP, Tahiti, 2012 9 A la recherche de la Polynésie d’autrefois, William ELLIS, Publications de la Société des Océanistes, N°25, Musée de l’homme, Paris 1972, Volume 1
8 colonial, que ces pratiques sportives et guerrières revoient le jour mais à la manière des fêtes occidentales. Aujourd’hui, la pirogue à rame représente certainement le sport le plus populaire en Polynésie Française et les courses de pirogues polynésiennes sont devenues des évènements sportifs internationaux. Au mois de juillet, pendant la période du Heiva, on peut ainsi assister à plusieurs courses ouvertes aux hommes et aux femmes. - tata’ura’a va’a tau’ati ou course de pirogues à double coque à seize rameurs ; - tata’ura’a va’a ono ou course de pirogues à six rameurs - tata’ura’a va’a toru ou course de pirogue à trois rameurs ; - tata’ura’a va’a hō’ē ou course de pirogue à un rameur. 4. Tata’ura’a va’a ta’ie – Régate de pirogues à voile Autrefois, le va’a ta’ie ou pirogue à voile était le moyen de transport privilégié des Polynésiens à l’intérieur du lagon mais également en haute mer. Avec l’arrivée des Européens et leurs outils de transports plus modernes, ces embarcations traditionnelles ont vu leur lente disparition. Aujourd’hui, la fédération des sports traditionnels tente de sauver cette pratique avec la remise au goût du jour des régates de pirogues à voile lors de la période du heiva. Course de pirogue à voile devant Tahiti en 1774 au large de la Pointe Vénus. Dessin de henry Roberts, cartographe du Capitaine Cook, 3ème voyage. – Source : Encyclopédie de Tahiti n°5 5. Heiva pātia fā ou vero pātia ou vero ta’o – Lancer de javelot Vero : lancer / jeter un javelot Sport d’adresse, le lancer du javelot était appelé erowhah (verofa) d’après Joseph Banks, vero pātia d’après B. Danielsson ou A. Lavondès. Autrefois, selon James Morrison, les javelots mesuraient 2,5 à 5m et étaient faits d’une tige de pūrau dont on a retiré l’écorce ; ils portaient à leur extrémité une pointe de fara. Le lanceur de javelots devait viser une cible, il s’agissait généralement d’un tronc de bananier placé à 30 ou 40 m de distance. Le vainqueur était celui qui avait son javelot au dessus des autres. Posé sur l’index d’une main, le javelot était lancé de bas en haut de l’autre main. De nos jours, cette discipline fait l’objet de compétitions organisées lors du heiva tū’aro au mois de juillet. Cette épreuve de précision et d’agilité se perd à Tahiti mais elle est toujours très pratiquée dans les îles comme Niau et Anaa. Les règles ont évolué. L’exercice consiste à atteindre une noix de coco placée /fichée sur un mât de 7,50 mètres de hauteur et situé à 22m de distance. (Cf. la légende de Tāfa’i et l’épreuve du javelot) 6. Heiva ma’a (tahitien) ou maka (pa’umotu ou marquisien) - la fronde La fronde est une arme de jet ou un lance-pierre composé d’une fourche et de deux lanières. D’après les notes d’A. LAVONDES et B. DANIELSON, les compétitions de ma’a étaient autrefois l’occasion de démontrer leur technique guerrière. Dans son journal, James Morrison note que la fronde était faite de fibre de coco tressée avec à son centre une partie plus large pour tenir la pierre, qui est de la taille d’un œuf de poule. A une extrémité, une boucle était disposée permettant au lanceur de retenir l’arme une fois le jet effectué. Pour le lancer, ils saisissent leur poignet droit dans la main gauche, et
9 sautant sur leurs pieds, font faire à la fronde 3 tours au-dessus de leur tête avant de la lâcher. Pour s’exercer, les pierres étaient remplacées par les fruits du nono. En 1767, la fronde était considérée comme une arme redoutable, arme essentielle de l’attaque contre le premier bateau européen à avoir touché Tahiti (le Dolphin). Ma’a, fronde de Tahiti - Source : Encyclopédie de Tahiti n°5 7. Heiva te’a ou teka – Tir à l’arc Les Polynésiens ne semblent jamais s’être servis de l’arc comme arme de chasse ou de guerre »10. Te’a, était le terme utilisé pour désigner le « sport des dieux » et donc un sport réservé aux chefs. D’après les observations de Moerenhout, c’était l’amusement préféré des ari’i. William Ellis, dans ses Polynesian Researches11donne des détails sur ce sport qui était à la fois un amusement et une cérémonie religieuse. « Ce sport s’exerçait le plus souvent au pied d’une montagne ou au bord de la mer. » La plateforme d’archer ou tōrē tahua était construit sur une place sacrée, celui de HITI s’appelait Marumarutua- ia-tearoa. Avant de commencer la compétition, les archers devaient accomplir plusieurs cérémonies au marae. Une fois les préparatifs achevés, ils montaient sur les paepae ou plates-formes habillés pour l’occasion. Il ne s’agissait pas d’atteindre une cible mais de tirer le plus loin possible. A l’issue de la compétition, les archers confiaient leur matériel et leurs vêtements confectionnés pour l’occasion aux personnes désignées pour cette tâche. Ce sport était pratiqué par les hommes et les femmes. Pour fabriquer un arc, on utilisait une branche de pūrau d’environ 1,50m et une corde de rō’ā tressée. Quant aux flèches, elles étaient taillées dans du bambou lisse. La pointe était en ’aito et leur longueur variait entre 45 et 90 cm. Le dieu invoqué était Patutetava’e Plate-forme d’archer (vallée de Papenoo – Tahiti), dessin d’après K.P. Emory – Source : Encyclopédie de Tahiti n°5 10Ed. AHNNE, Bulletin de La Société des études océaniennes N°36, p. 39 à 46 – juin 1930 11 Edition 1972, vol.I, p. 150 à 151
10 8. ’Āpa’i ou pa’ipa’i – Jeu du cricket Le ’āpa’i ou pa’ipa’i, semblable au criquet/hockey, était un jeu réservé aux hommes. Munis d’un bâton en guise de crosse, les joueurs frappaient la balle faite de tapa ou « une bille de bois de purau » afin de l’envoyer dans le camp adverse. Les tahitiens utilisaient de simples branches brutes. Dans les îles Australes, en revanche, les crosses faits en ’aito ou bois de fer étaient soigneusement travaillées et parfois même sculptées. La base arrondie des manches légèrement incurvée augmentait la force avec laquelle ils frappent la balle. Cross de jeu des îles Australes (Grotte de Moera’i, 1926) – Source : Encyclopédie de Tahiti n°5 ’Āpa’i : E ha’uti nā te mau tāne i muta’a ra. E huru tā’iri pōpō. E tapa ’ōmenemene hia ’e tā’amu’amuhia i te pōpō ; ’āre’a te tā’iri ra, ’o te hō’ē ïa ’ama’a ’aito taraihia ’ nana’ohia.12 9. Tu’era’a pōpō ou Tuira’a popo - Foot-ball Le tu’era’a pōpō ou foot-ball était « un jeu fréquent, pratiqué plus par les femmes que par les hommes et auquel participaient des districts tout entier. » Aujourd’hui, le nombre de joueurs par équipe en football est de onze maximum. Autrefois, selon les observations de T. HENRY, les équipes étaient composées d’un nombre considérable de personnes. « La balle était d’écorce de bananier sèche roulée et maintenue avec de la ficelle. » Il s’agissait pour chaque équipe de frapper la balle avec le pied afin de l’envoyer dans les limites du camp opposé, marquées avant le commencement du jeu. « Quand une équipe avait atteint le but, l’air retentissait de ses cris de triomphe. » 10. Harura’a pu’u ou harura’a pōpō – Attraper la balle Le harura’a pu’u ou harura’a pōpō consistait à saisir la balle avec les mains. Ce sport était uniquement pratiqué par les femmes. Il était interdit de se servir d’un bâton ou de donner des coups de pieds dans la balle. Le jeu demandait beaucoup de place, les tournois étaient généralement organisés sur la plage. Les buts étaient marqués par un caillou placé sur le rivage. Un espace de 50 à 100 m séparait les deux équipes. La balle, faite de tiges de feuilles de bananiers roulées et serrées étroitement, était assez grande. Pour commencer le jeu, la balle était placée au centre. Il s’agissait de la lancer/jeter de façon à ce qu’elle passe par-dessus la limite/le but de chaque camp. Aussitôt que la balle était lancée, les deux groupes se précipitaient pour l’attraper, ce qui provoquait une grande bousculade. Il arrivait parfois qu’elles tombent les unes sur les autres. Parfois, avant que la balle soit rattrapée, certaines joueuses se retrouvaient avec de sévères contusions. Lorsque la balle se retrouvait dans la mer, les équipes la poursuivaient pour continuer le jeu. Debout dans l’eau jusqu’aux genoux ou jusqu’à la taille, les femmes plongeaient sans hésitation pour attraper l’objet de leur poursuite. 12 Dictionnaire illustré de la Polynésie, Volume A-C, p.66
11 11. Horue ou fa’ahe’era’a miti - Surf Le surf est un sport qui consiste à se laisser glisser sur une vague à l’aide d’une planche en bois et pour les plus habiles de se tenir debout quelques instants. Le surf, très prisé par les chefs, était pratiqué autrefois par des adultes hommes et les femmes, de tous âges et de toutes conditions sociales. A Hiti, Tereva est le dieu invoqué pour le surf. Hinaraure’a, femme de Turi était très connue pour être une grande surfeuse. Cf. Vehiatua i te mata’i dans Mémoires de Marau Ta’aroa p. 183 à 186. 12. Amora’a ’ōfa’i ou ururaupea – Porteur de pierre Beaucoup considère le lever de pierre comme un cousin de l’haltérophilie. Ce sport masculin traditionnel est très pratiqué à Rurutu (Australes). Il s’agissait de mesurer la force physique des chefs et des guerriers. Cette discipline, fortement présente de nos jours lors des festivités du heiva, consiste à soulever un bloc de pierre posé au sol pour le placer sur l’épaule et l’y soutenir jusqu’à épuisement. Pour augmenter les difficultés de l’épreuve, la pierre était parfois enduite d’huile pour la rendre glissante. 13. Rore - Echasse Echasse : long bâton /longue perche avec étrier pour mettre le pied et se déplacer en marchant à une certaine hauteur au-dessus du sol. A Tahiti, les échasses étaient faites de simples branches d’arbres de 2 mètres de haut environ. Selon Teuira HENRY, elles « étaient utilisées dans un jeu où chaque joueur essayait de faire tomber son adversaire ». En revanche, aux Marquises, le jeu des échasses ou toko avait une dimension sacrée. Les champions de différents districts s’affrontaient pendant les compétitions rituelles qui se déroulaient à l’intérieur des tohua (place publique), lors des fêtes organisées en mémoire des morts. Ayant perdu une échasse, les meilleurs continuaient la lutte et arrivaient parfois à remporter la victoire. Le vaincu se retirait terriblement humilié du tournoi. Les marquisiens fabriquaient des échasses plus élaborées. Les étriers, entièrement sculptés étaient maintenus sur les perches à l’aide d’une cordelette de bourre de coco. Un morceau de tapa, placé entre eux, assurait une bonne stabilité. D’après E.S.C. HANDY, « l’usage des échasses était strictement interdit aux femmes. » 14. Horue holua – Toboggan Le horue holua serait selon la description d’A. LAVONDES, un cousin de la luge. Jeu d’adresse et d’équilibre, il était nécessaire d’avoir beaucoup d’entraînement. Le horua consistait à descendre ou à glisser jusqu’en bas d’une colline sur un traîneau très étroit. Considéré comme un jeu d’adulte aux îles Hawaii, il était pratiqué par les enfants et les adolescents dans toute la Polynésie. Ils s’amusaient à glisser sur les pentes et dunes herbeuses en utilisant des bouquets de tī (cordyline terminalis), des palmes de cocotier…. A Tahiti, les enfants utilisaient aussi la gaine des fleurs de cocotier pour glisser sur des sentiers abrupts ou au bord des rivières.13 À Rapa Nui durant les activités du Tapati, les concurrents utilisent une luge composée de troncs de bananier assemblés pour dévaler la pente d’une colline à grande vitesse. 13 Informations tirés de l’ouvrage Ancient Games and sports in the Pacific, Anne LAVONDES.
12 15. Ulu maika – Jeu de palets Originaire des îles Hawaii, le ulu maika consistait à lancer et faire rouler des palets de pierre en forme de disques entre deux marques séparées par quelques centimètres et placées à 30 ou 40m des joueurs. Ce jeu n’est pas attesté aux îles de la Société mais des palets semblables aux îles Hawaii ont été retrouvés à Raiatea. 16. Timo, timora’a, timotimo ou ’apo ’ōfa’i – Frapper la pierre Jeu de pierres ayant la forme de grosses billes, remplacées parfois par de grosses graines. Timora’a signifie : « frapper la pierre ». Ce jeu d’adresse, comparable au jeu d’osselets, était pratiqué par les enfants comme par les adultes. Selon William ELLIS : « Les joueurs s’asseyaient par terre, un tas de pierres à côté d’eux, et tenaient dans la main droite une petite pierre ronde qu’ils jetaient en l’air. Avant qu’elle ne retombe, il fallait prendre une autre pierre dans le tas et la tenir de la main droite jusqu’à ce qu’on ait rattrapé la pierre jetée précédemment. A ce moment, on jetait la pierre prise dans le tas et on lançait à nouveau en l’air la pierre ronde jusqu’à ce que le tas soit liquidé ». Te timora’a : E peu ha’uti te reira nā te hui ta’ata i tahito. E taorara’a ’ōfa’i, tei parauhia e timora’a nō te mea, ’e ’ere mea taora ha’apa’ora’a ’ore noa. E ha’aputu i te mau ’ōfa’i ’ōmenemene maita’i ia pu’e, e parahi te ta’ata timo i raro i te repo, ’ei reira ’oia e ha’amata ai i te ta’ue i te ’ōfa’i mātāmua ia pe’e i ni’a, hou taua ’ōfa’i ra a ma’iri mai i raro, e tamata ’oia i te pite i te 2 o te ’ōfa’i ia tote te ’ōfa’i mātāmua i ni’a noa ra e pau roa atu te ha’apu’era’a ’ōfa’i (W. Ellis). E ha’uti teie nā te tamari’i ’oia ato’a te feia pa’ari.14 Cf. légende de Hiro, le tas de pierre appelé timora’a a Hiro à Porapora 17. Fa’atitora’a moa15 Le combat de coqs est l’un des plus anciens divertissements sous la protection du dieu Ruaifaatoa, dieu des combats de coq. Aujourd’hui, il est toujours en vigueur (chez les enfants comme chez les adultes). 14 Dictionnaire illustré de la Polynésie, Volume Q-Z, p.213 15 Garçon présentant son coq de combat – Source DIP
13 2.2.2 – Anciens jeux d’enfants 18. ’Uo, tītīra’ina, tōtōiē, ’aumoa, pahī16 Selon Vairea Teissier et Hiriata Millaud, le ’uo, le tītīra’ina, le tōtōiē,le ’aumoa et le pahī étaient autrefois des jeux et sports sacrés pratiqués par les polynésiens dès leur plus jeune âge. Si ces jeux étaient l’occasion pour les jeunes de se divertir, ils étaient aussi un moyen pour leurs aînés de transmettre leur savoir ancestral sur les techniques de navigation. Ces divertissements étaient un prétexte pour initier les futurs ’aito, les toa ou hiva aux techniques de navigation. Au travers de ces jeux, ils apprenaient ainsi à maîtriser les espaces aériens, à connaître les vents, leurs directions, leur force et leurs dangers. Ils devaient maîtriser les matières (essences diverses et techniques de fabrication) et les éléments naturels (courants, marées, houles) pour pouvoir entreprendre de grands voyages, « moyens d’aventures, de conquêtes, de pacification et d’alliances ». La tradition orale nous rapporte que les héros légendaires tels que Rata, Tāfa’i ou Hiro, connus pour leur suprématie dans la navigation, auraient débuté leur période d’initiation par l’apprentissage et la maîtrise parfaite de certains jeux ou sports pratiqués sur la plage, au bord de l’eau et sur la mer. Voici quelques explications de Vairea Teissier et Hiriata Millaud : Pāuma (IDV), cerf-volant ou ’uo (ISLV) : tient son nom de l’écorce externe des bananiers avec laquelle on fabriquait la queue et la surface plane de ces cerfs-volants. Cf. Légende de Pipiri ma et Mémoires de la reine Marau p.195 « Le cerf-volant qui viola la loi du Taimara » Tītīra’ina, jouet hydro-glisseur – Source : Va’a, La pirogue polynésienne Tītīra’ina (qui se dresse là-haut dans les cieux), hydro-aéroglisseur, fabriqué de telle sorte qu’il est capable de filer très vite sur le sable et sur la mer, et surtout sa forme aérodynamique lui donne sa qualité principale qui est de décoller au plus haut vers les cieux. Tōtōie ou tōtōiō, ressemblerait au titīra’ina pour ce qui est de ses caractéristiques techniques et fonctionnelles, construit pour glisser et surfer sur l’eau à très grande vitesse - Fa’ahe’e tōtōie « Tō… ! Tō… ! iō… ! » « glisse… ! Tire vers le lointain … ! Vas-y encore… ! » Pahī (pirogue double ou gerbe d’eau), entraînement à la navigation hauturière qui se faisait généralement à bord de grandes pirogues doubles qui fendaient les eaux, envoyant vers les cieux des gerbes d’eau qu’on disait être le souffle de la mer. 16 Informations tirés de « Jeux sacrés et initiation aux techniques de navigation » de Vairea TEISSIER et Hiriata MILLAUD, co – auteurs de Va’a, La pirogue polynésienne, édition Au vent des îles.
14 ’Aumoa (poursuite fuselée), modèle réduit de pirogue aux îles sous le vent. Dernière étape d’initiation pratique à la navigation qui devait aboutir aux grands voyages en situation réelle, sur les deux grands océans de l’univers mā’ohi, à bord de va’a (pirogues de types différents), de pahī (grandes pirogues) ou de manua (vaisseaux). ’Aumoa (Taha’a) – Source : Va’a, La pirogue polynésienne Teuira Henry note dans ses observations que les enfants polynésiens de la Société d’autrefois avaient des jeux très semblables à ceux des enfants européens. Parmi eux, il cite les jeux décrits ci– dessous. 19. Ta’irira’a tūpi ou ’O’o’o – la toupie Dans TAHITI aux temps anciens, la toupie est décrite tel un jeu d’enfant. On note deux genres de toupies. Celle qui était lancée à terre et battue avec un fouet et l’autre qui était faite avec le fruit du miro traversé de haut en bas par une nervure de feuille de cocotier. Il fallait fait tourner la toupie en imprimant à la nervure un mouvement de rotation. 20. Tāere / tāhoro – balançoire Le tāere, tāhoro ou la balançoire était un jeu très prisé des enfants dans la Polynésie ancienne. La balançoire polynésienne consistait en une corde suspendue par ses deux extrémités à la branche élevée d’un arbre. Un court bâton était fixé à l’horizontale, au bas de la boucle que dessinait la corde.17 Teuira Henry précise : les enfants avaient deux espèces de balançoires. L’une appelée taere, formée d’une seule corde ayant un bâton à son extrémité et l’autre formée d’une corde dont les deux extrémités pendaient, appelée tahoro. Gravure missionnaire – Source : DIP « Le jeu de cache-cache s’appelait Tapunipuou et le colin-maillard titipauru ou tupaurupauru. » (Teuira henry). Aujourd’hui, on utilise les termes perē tāpō pour le premier et titipā’uru pour le deuxième. Voici une description brève du cache-cache et du colin maillard. 17 Dictionnaire illustré de la Polynésie, volume Q-Z, p. 158
15 21. Tapunipuou ou Perē tāpō – Cache-cache 18 Les joueurs doivent se cacher pour ne pas être trouvés par l'un d'eux, désigné à l'avance. Le cadre du jeu peut être un espace en plein air, ou une grande maison. Il est important de délimiter à l'avance le territoire autorisé pour le jeu. Un joueur, désigné comme le chercheur, compte jusqu'à un certain nombre pendant que les autres se cachent. À la fin de son décompte, il part en quête des autres joueurs. Quand il en trouve un, il crie « trouvé » et le nom du joueur trouvé. Ils peuvent alors chercher ensemble les joueurs restants, jusqu'à ce que tous soient découverts. Lors de la partie suivante, le chercheur peut être le premier à avoir été trouvé ou au contraire le dernier. 22. Titipā’uru ou tupaurupauru – Colin-maillard19 Le chasseur a les yeux bandés et les chassés tournent autour de lui (sans trop s'éloigner) en évitant de se faire toucher. Si le chasseur réussit à toucher un autre joueur, celui-ci s'immobilise et laisse le chasseur lui toucher le visage. Si le chasseur réussit à reconnaître la personne au toucher, alors celle-ci prend la place du chasseur. Précautions : puisque l'un des joueurs a les yeux bandés, il est important de jouer dans un espace sans obstacles, pour que ce joueur ne se fasse pas mal. Le colin-maillard est une variante du « jeu de chat » appelé aussi « jeu du loup » ou « chat perché ». Aujourd’hui, les petits polynésiens jouent beaucoup au jeu du « perē fē » ou « jouer à chat ». Le fē désigne le joueur ou le chasseur qui doit essayer de toucher les autres en les poursuivant. Celui qui est touché devient à son tour le fē. 23. Fai (tahitien) ou pehe (marquisien) – Jeu de ficelle Le DIP (dictionnaire illustré de la Polynésie) donne la définition suivante : jeu consistant à faire des figures avec une ficelle nouée en utilisant l’agilité des doigts des deux mains. Selon Eric Vandenriessche20, ce jeu était encore très pratiqué dans la plupart des sociétés traditionnelles (océaniennes, inuit, amérindiennes, sud-américaines, aborigènes, africaines, asiatiques, etc.) Pour jouer, il suffit de disposer d’un fil d’un à deux mètres de long, puis de nouer ses deux extrémités pour en faire une « boucle » : le jeu consiste alors en une succession de « gestes » effectués sur le fil avec les doigts, mais aussi quelques fois avec les dents ou les pieds. Il s’achève sur une figure finale montrée à autrui. » En Polynésie, les jeux de ficelle en fibres de pandanus, de bananier ou de nape étaient pratiqués autrefois par les adultes comme par les enfants. Aux îles Marquises, les sages et les experts maîtrisaient ces jeux et les utilisaient lors des réunions sociales sur les tohua ou plates-formes pour accompagner les chants et les récitations. Les figures réalisées étaient inspirées du monde animal (tortue, lézard, raie et requin), du relief (Mou’a puta « Montagne percée » de Moorea), des objets de la vie quotidienne (fleurs, pirogues…) et de la mythologie (maison du dieu Oro). Parfois, certaines figures étaient exécutées par deux personnes. Outre les jeux de ficelles, les enfants fabriquaient leurs premiers jouets à l’aide de nī’au. 18 Description proposée par Wikipédia 19 Description proposée par Wikipédia 20 Les jeux de ficelle : témoins d’une activité mathématique
16 2.3 La danse, un divertissement du peuple polynésien Danseuses à Tahiti – Gravure tirée de l’Atlas de Cook (1777) d’après un dessin de J. Webber - Source : Encyclopédie de Tahiti n°5 2.3.1 ’Ori tahiti21 Dans la société polynésienne d’autrefois, le ’ori ou la danse s’inscrivait principalement dans les fêtes appelées heiva qui réunissaient une variété de divertissements. Les polynésiens dansaient pour honorer la venue des invités de marques, d’autres chefs. Elle faisait partie des rituels organisés à l’occasion d’un mariage, d’un décès, d’un départ en voyage….C’était aussi un moyen de réconcilier deux familles ou deux clans. A l’opposée, la danse trouvait aussi son inspiration dans la guerre à l’occasion de certaines festivités pour célébrer une victoire ou louer les exploits d’un guerrier. Elle avait aussi une place importante dans les cérémonies religieuses. Les danses interprétées étaient une invocation aux dieux lors de la saison des récoltes ou des rites agricoles. Les ’arioi, disciples du dieu ’Oro offraient régulièrement des spectacles nocturnes pour lui rendre hommage. Mais cette confrérie disparaît peu de temps avant la conversion au protestantisme. Lorsque les premiers missionnaires protestant débarquent à Tahiti le 5 mars 1797, ils qualifient la danse comme un divertissement immoral, obscène et tentent très tôt de l’interdire. A partir de 1815, quand les tahitiens commencent à se convertir au christianisme, les missionnaires s’empressent d’abolir cette expression qu’ils ne comprennent pas en imposant des codes de lois qui suscitent de vives réactions au sein de la population. En 1820, on assiste ainsi aux premières ruptures ecclésiastiques avec les Tūtae ’āuri puis les Māmāiā. En 1842, l’arrivée des Français modifie très peu la situation. Ils constatent que certains continuent la pratique de la danse au fond des vallées. Ils autorisent alors les tahitiens à « se livrer avec modération et décence aux danses du pays ». Le compromis échoue et de nouvelles restrictions sont mises en place en 1847. En 1849, la reine Pomare établit une nouvelle loi qui vise à censurer toutes les activités qui risquent de troubler l’ordre public. Le 29 juin 1880, la Polynésie est cédée à la France et l’administration coloniale décide alors d’installer la fête nationale à Tahiti. Le 14 juillet 1881, les premières festivités sont mises en place. Les Polynésiens, y sont conviés. Ces manifestations, baptisés tiurai (terme dérivé de l’anglais july), voient le jour du premier concours de chants traditionnels. Quant aux danses traditionnelles, elles s’affaiblissent mais ne disparaissent pas totalement. Au fil des années, la célébration de la fête nationale s’ancre dans les mœurs et offre un terrain propice aux festivités. En 1895, la danse retrouve progressivement ses droits. Il faudra attendre 1856, grâce à Madeleine Moua, pour que le ’ori tahiti soit réhabilité et remis à l’honneur. Le développement du tourisme encourage les manifestations : les costumes et les chorégraphies sont alors travaillés pour les prestations. Depuis, de nombreux groupes commencent à voir le jour, les premiers concours se déroulent sur la place Tarahoi. En 1984, l’autonomie interne est instaurée, le tiurai devient heiva, renouant ainsi avec son appellation d’origine. 21 Marion Fayn, ’Ori tahiti, la danse à Tahiti, collection Survol, Aux vent des îles, 2007
17 Aujourd’hui, la danse tahitienne est très prisée et encouragée. Elle est enseignée au conservatoire de la Polynésie Française et dans de nombreux pays tels que le Japon, le Mexique, les Etats – Unis…. Pour développer cette expression artistique, de nombreuses écoles de danse se développent et se manifestent lors du heiva à To’ata. De nos jours, beaucoup considèrent cette pratique comme un sport. En général, le ’ori tahiti présente quatre genres de chorégraphies : - le ’ote’a : terme qui renvoie aux mouvements de tension de l’arc (te’a) ou encore à une manière de marcher les jambes écartées. Selon certains observateurs, le ’ote’a serait d’origine guerrière, danse réservée aux hommes qui effectuaient des mouvements violents et saccadés. Le cette chorégraphie présente trois aspect : le ’ote’a tāne, exécuté par les hommes le ’ote’a vahine, exécuté par les femmes le ’ote’a ’āmui, exécuté par les hommes et les femmes. - le hivināu (peut-être de l’expression anglaise Heave now) : les hommes et les femmes, face à face, forment deux rondes et évoluent dans les directions opposées. - le pā’ō’a : les danseurs sont assis généralement en demi-cercle ou en ronde fermée. En chœur, ils chantent un dialogue rythmé en frappant au sol ou sur leurs cuisses ave leurs paumes de main. - le ’aparima, chorégraphie dans laquelle le chant et la danse sont étroitement liées. Les danseurs illustrent par une gestuelle et reproduisent les paroles du chant. Aujourd’hui, on assiste aussi au hula, danse hawaiienne ou au haka, danse marquisienne. Lors des chorégraphies, des pas de danses sont exécutés par les femmes et par les hommes. Les pas de danses des femmes Nom du pas de base Variantes fa’arapu (rouler) ueue fa’arori fa’arapu tahape peipei tāmau tahito ’amaha tāmau taere toma tomatoma ’otamu, appelé aussi ’afata tūnami ’oniu ope varu (terme qui renvoie au chiffre 8) kamikami varu tahape ’otu’i ’orapa ’ori ’ōpu, danse du ventre Tuane’e
18 Les pas de danses des hommes : - fa’ahe’e - tūnami ou ami - pā’oti - pātia - taparuru - tu’e - ’amaha 2.3.2 Hura, Danse sacrée22 Le terme hura (qui expulse la gloire/les rayons glorieux) s’applique à la fois à une danse spécifique et au costume utilisé pour son exécution. C’est une série de mouvements, une danse qui traduit une énergie ascensionnelle offerte aux dieux, exprimant à partir de gestes lents et rotatifs des mots secrets, des paroles interdites, une histoire sacrée. Elle est exécutée au cours d’événements de très grande importance comme le fa’ari’i, l’accueil de visiteurs de prestige. La déesse Hina en est la grande prêtresse et la source d’inspiration. Le tapa, les plumes, les cheveux humains et les fleurs odoriférantes constituent des matériaux de choix des plus glorieux et forment les éléments essentiels du costume. Le hura a disparu de la scène publique de manière définitive à partir de 1819, date officielle de l’interdiction de la danse mise en place par les missionnaires à travers le Code Pōmare. Depuis le premier heiva, la danse tahitienne a beaucoup évolué. Les troupes de danses trouvent de nouveaux pas, le plus souvent inspiré de la danse contemporaine. Si ces nouveautés font l’objet de nombreux débats ou de discussions houleuses, de nombreux chorégraphes tentent simplement de « s’exprimer en fonction de son temps et non de dénaturer leur danse ». Cf. Annexe 1 PAHU et VIVO, Instruments de musique traditionnels 2.4 Jeux et sports traditionnels récents Les polynésiens d’antan profitaient donc de toutes les occasions pour se divertir mais surtout pour apprendre avec les moyens de leur époque. Au fil des années, les sports traditionnels ont beaucoup évolué. Certains ont totalement disparus, d’autres sont redécouverts et mis à jour lors des festivités du Heiva organisées au mois de juillet. Les tū’aro mā’ohi ou sports polynésiens demeurent cependant des activités sportives pour lesquels de nombreux participants se préparent toute l’année. Quant aux nouveaux jeux polynésiens, ils sont souvent inspirés des jeux occidentaux pratiqués par de nombreux parents dans la cour de l’école ou lors des réunions entre amis. Aujourd’hui, il existe très peu de traces écrites à propos de ces activités ludiques ou sportives récentes mais beaucoup témoignent encore des moments « où l’on se divertissait avec ce que l’on a ». Lors des compétitions du Heiva, on peut encore observer l’adresse, la force, l’endurance et la rapidité des Polynésiens au travers des nouveaux sports dits « traditionnels » aujourd’hui. 22 Notes de Vairea Teissier
19 2.4.1 Tū’aro mā’ohi récents 24. Fa’ahorora’a maiho’a ou tata’ura’a timau rā’au – Course du porteur de fruits La course de porteurs de fruits est une activité récente pratiquée lors des festivités du heiva. Autrefois, le transport des fruits se faisait souvent à dos d’homme. Aujourd’hui, seuls les cueilleurs d’oranges de Punaauia utilisent encore cette méthode pour descendre leur cueillette du plateau Tetāmanu. Le principe de cette discipline est simple : les coureurs se mesurent sur un parcours, portant chacun une charge de 30 à 50 kg, selon leur catégorie. Le premier arrivé gagne l’épreuve. La charge ne doit comporter que des fruits locaux. Le tronc ou levier auquel sont attachés les fruits est en général un bambou ou un morceau de bois solide mesurant entre 1,20 m et 1,50 m. Les charges sont fixées aux extrémités du levier. Certains participants sont vêtus d’un pāreu et chaussés de savates de facture locale traditionnelle. D’autres courent pieds nus et portent la charge seulement sur une épaule. 25. Tata’ura’a pa’arora’a ha’ari ou pūhā - Concours d’énucléation de l’amande du coco ou Coprah Considéré de nos jours comme un sport traditionnel lors du heiva tū’aro au mois de juillet, le coprah était avant tout une activité économique encore présente aux Tuamotu. Faire le coprah consiste à rassembler des noix de coco et à les fendre au moyen d’une hache. Une fois l’amande débarrassée de la coque, elle est récupérée pour en extraire de l’huile ou du mono’i. Lorsque vient le temps du Heiva, le coprah est considéré comme un spectacle sportif et traditionnel. Il sert à mesurer la force, l’agilité et la rapidité des hommes. Cette activité consiste à décortiquer des noix de coco en un minimum de temps. Pour ce faire, les sportifs disposent d’une hache apelée ’opahi et d’un outil spécifique, le pa’aro. Tahaa, île de l’archipel de la Société, est reconnu pour sa suprématie dans la préparation du coprah. Coprah, de kopparah, terme emprunté par les Anglais au tamoul, langue parlée au sud-est de l’Inde. On appelle ainsi l’amande de la noix de coco, débarrassée de la coque, desséchée et prête à être mise au moulin pour l’extraction de l’huile.23 26. Ta’umara’a ha’ari – Grimper du cocotier Avant de préparer le coprah, il faut récolter les noix. Ce qui donne lieu à une autre démonstration d’adresse ! Il s’agit de gravir un cocotier le plus rapidement possible, à mains nues. Pour s’aider, certains 23 Dictionnaire illustrée de la Polynésie, volume A-C, p. 276
20 utilisent un lien, dans lequel passent les pieds, qui leur permettra ainsi d’avoir un meilleur appui sur le tronc. D’autres le font sans aucune aide. 2.4.2 Jeux d’enfants De nos jours, de nombreux jeux auxquels s’adonnaient nos parents ne se pratiquent plus autant qu’autrefois. Certains ont complètement disparus. 27. Ha’uti pereo’o tura’i – Jeu du traîneau: Enfants des Australes jouant au toboggan – Source : DIP Autrefois, les enfants s’amusaient au jeu du traîneau. Un groupe d’enfants était chargé de tirer une corde au bout de laquelle était accroché un sac de coprah en guise de traîneau sur lequel était assis un ou deux enfants. Il s’agissait pour les tireurs d’amener le traîneau dans le but délimité par deux cailloux. Ce jeu était très pratiqué aux Australes. 28. Pere huti – Tir à la corde ou lutte à la corde La lutte à la corde est une épreuve de force qui oppose deux équipes constituées de plusieurs personnes se tenant par la taille. Les équipes s'alignent à chaque bout d'une corde . Deux lignes, espacées de 3 à 8 mètres, sont tracées. Une fois le jeu commencé, chaque équipe essaye de faire dépasser à l'autre sa ligne ou de faire chuter l'adversaire. 29. Rērē – Jeu de bâtons Le rērē est jeu d’enfant avec un ou deux bâtons. Deux enfants sont face à face. Le premier, assis, donne le rythme accompagné d’un chant en agitant le ou les bâtons à ras le sol et en effectuant des mouvements d’ouverture et de fermeture. Le deuxième saute en synchronisation avec le mouvement du (des) bâton(s). 30. ’Ōu’a pūtē – Jeu du sac Ce jeu consiste à sauter (pieds dans un sac) en se déplaçant dans un espace délimité ou sur une distance précise. Je préfère ce jeu consiste à se déplacer en sautant (pieds dans un sac) dans un…. 31. Pere pūtō – Jeu de la brouette Le jeu de la brouette consiste à simuler la poussée d’une brouette. Par deux, l’un joue le rôle de l’outil et l’autre le poussant. Ainsi, le premier se déplace en avançant sur les mains, le corps à l’horizontale et les chevilles maintenues par le second. Généralement, les équipes de deux font la course.
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